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Document tiré de : cjc.jeunes-chercheurs.org/positions/communique-2004-01-13.html
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L'attractivité perdue de la recherche française


PARIS, le 13 janvier 2004.

Les jeunes chercheurs au coeur de la crise

En dépit des déclarations rassurantes du gouvernement, la recherche traverse une grave crise. La pétition qui a obtenu plus de 6 000 signatures en moins d'une semaine l'atteste de manière très claire. Cette crise concerne à la fois les finances et les perspectives d'emploi de ce secteur. Le ministère de la Recherche prétend avoir fait de l'attractivité en direction des jeunes chercheurs un axe majeur de sa politique. Mais la Confédération des Jeunes Chercheurs (CJC) tient à rappeler certains faits qui démentent la communication du ministère et à souligner son désarroi concernant l'avenir de la recherche.

Faiblesse chronique des salaires

12 000 jeunes chercheurs préparant un doctorat sont rémunérés par l'État via une allocation du ministère de la Recherche. Le niveau de leur salaire ne s'élève actuellement qu'à 56 euros au dessus du SMIC 39 h mensuel. Un niveau scandaleusement bas pour des personnes aussi qualifiées (bac+5 à bac+8).
Si ces jeunes chercheurs attendent l'augmentation de 4% annoncée pour octobre 2004, leur salaire n'avait pas été revalorisé entre 1991 et 2002. Le rattrapage n'est donc pas, comme le prétend le ministère de la Recherche, de « +15% en 3 ans » mais un faible « +15% en 13 ans » espéré pour fin 2004. De plus, comparée à l'évolution du SMIC, la « progression » effective de ces salaires est à relativiser plus que sérieusement (voir graphique ci-dessous).

Évolution comparée du SMIC et de l'AR
depuis 1976

Travailleurs au noir et bénévoles

La Confédération des Jeunes Chercheurs souhaite également attirer l'attention de chacun sur la situation des milliers de jeunes chercheurs travaillant dans les organismes de recherche français sans être déclarés, et sur les graves implications sociales découlant de cette situation.
Tous les jeunes chercheurs n'ont en effet pas la « chance » d'être salariés pour effectuer leurs travaux. Une forte proportion d'entre eux ne sont ainsi tout simplement pas rémunérés pour leur travail de recherche. Les laboratoires emploient sans complexes ces bénévoles qui vivent d'expédients, voire du RMI.
Et parmi ceux qui ont droit à une rémunération, un grand nombre est tenu à l'écart des protections sociales les plus élémentaires : cotisations retraite, accidents du travail, allocation de perte d'emploi, congé parental, etc. Leur rémunération prend en effet la forme d'une « libéralité », c'est-à-dire une somme d'argent nette, non déclarée et sans cotisations sociales. On appelle cela communément du travail au noir...
Dans un contexte de désaffection des étudiants des filières scientifiques et de fuite des cerveaux vers l'étranger, ces pratiques ne sont pas celles qui renforcent l'attractivité des métiers de la recherche.

La responsabilité de l'État

Après des années de laisser-faire, le ministère délégué à la Recherche a récemment réagi devant ce problème. Le budget 2004 prévoit ainsi un système qui permettra à l'État de prendre en charge les cotisations sociales de 300 jeunes chercheurs financés par des libéralités de fondations et associations caritatives soutenant la recherche. Ce nombre paraît très insuffisant au regard de l'ampleur de la situation, mais constitue un premier pas qui pourrait être encourageant. Cette annonce a suscité un large espoir parmi les jeunes chercheurs, sa modestie ne peut prétendre rétablir une confiance durablement ébranlée.
Surtout, il est nécessaire de rappeler que l'utilisation de ce système de financement par de grandes fondations et associations caritatives ne constitue, en fait, que la partie émergée d'un iceberg. En effet, de très nombreuses recherches sont encore rémunérées avec de l'argent public sous forme de libéralités. Celles-ci sont attribuées par des collectivités territoriales, par des entreprises publiques au travers de leurs fondations ou associations, par des universités, par des centres de recherche, mais surtout par l'État lui-même puisque des ministères (MINEFI, Défense, Affaires étrangères, etc.), le Sénat ou encore des services déconcentrés font partie des financeurs.
Ajoutons que, parmi ces jeunes chercheurs travaillant au noir, les chercheurs étrangers en constituent une part considérable, cumulant les précarités. On peut douter que cela suffise à ramener les étudiants vers les métiers de la recherche, ou même à rendre attractif et crédible notre pays auprès des chercheurs étrangers.

Le recrutement dans le public réduit et précarisé

Dans le même ordre d'idée, l'actuel ministère a entamé un processus de précarisation de l'emploi dans les organismes publics de recherche. En effet, ont été programmées simultanément la suppression de postes permanents et la création de CDD de 3 à 5 ans, reculant encore l'âge de l'accession à un poste stable. Ces mesures n'ont évidemment en aucun cas augmenté l'attractivité de ce secteur, ni répondu aux attentes de la communauté scientifique, comme essaie d'en persuader la communication du gouvernement. Ses déclarations ne convainquent aucun scientifique.

Développer les débouchés dans le monde socio-économique

Dans le même temps, il faut déplorer qu'en France les débouchés en entreprise pour les jeunes docteurs restent limités. Un effort considérable devrait en effet être fait pour valoriser leur métier auprès des entreprises françaises. Celles-ci sont en effet encore très en retard sur leurs concurrents étrangers en ce qui concerne leurs effectifs de chercheurs. (Nos entreprises françaises comptent ainsi actuellement cinq fois moins de chercheurs que dans les autres pays concurrents.)
Certes le ministère a insisté sur le milliard d'euros de crédit d'impôt offerts l'année prochaine aux entreprises qui investiront dans la recherche. Ce n'est pas pour autant que cette mesure incitera le secteur industriel à augmenter de 50% d'ici six ans ses investissements en recherche et développement, comme le gouvernement dit l'espérer. L'investissement sera caduque tant que des personnes formées pour et par la recherche n'auront pas intégré significativement nos entreprises françaises.
Une première mesure nécessaire serait donc de lier le crédit d'impôt recherche aux embauches de docteurs. Une deuxième serait la reconnaissance du doctorat dans les conventions collectives. Il serait d'ailleurs bienvenu que l'État montre l'exemple en prenant en compte le doctorat dans les grilles de la fonction publique.

Perte de confiance

La CJC s'inquiète par conséquent de l'attractivité perdue de la recherche auprès des forces vives qui la font vivre et évoluer, au premier rang desquelles figurent les jeunes chercheurs. Loin d'avoir été enrayé par l'actuel gouvernement, le déclin des vocations est au contraire exacerbé par certaines de ses mesures.
La CJC juge qu'il est temps que le gouvernement cesse sa communication mensongère qui ne leurre personne et qui alimente au contraire un sentiment d'abandon général au sein de la communauté scientifique.

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Ce document (/positions/communique-2004-01-13.html) a été mis à jour le 19 février 2004

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