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Place des étudiants-chercheurs au sein de la communauté scientifique française
Table ronde organisée à l'initiative de la CEC
14 octobre 2001

Version RTF original, PDF, Postscript

Participants :
1. M. Bruno Bost (Trésorier de la Guilde Des Doctorants)
2. M. Pascal Degiovanni (Président de la Guilde Des Doctorants)
3. M. Pierre Lasbordes (Rapporteur du budget de la recherche à l'Assemblée Nationale, RPR)
4. M. Gérard Tobelem (Universitaire, Secrétaire National du RPR à la recherche scientifique)
5. M. Jean-Pierre Alix (Secrétaire National chargé de la recherche à l'UDF)
6. M. Ludovic Augusto (Doctorant, Responsable des Grandes Ecoles et de la Recherche au RPF)
7. Mme Muriel Terreau (Doctorante allocataire-moniteur en histoire à Paris IV, UDF)
8. M. Malik Lahoucini (Doctorant, Responsable au bureau national du PRG de la recherche et du statut social des jeunes)
9. M. Alain Hayot (Universitaire, Responsable de la Commission Recherche et relations recherche/enseignement supérieur / développement du PCF)
10. Mme Nicole Morichaud (Secrétaire Nationale communication interne et recherche au MDC)
11. Mme Claude Montagnon (Vice-Présidente CEC)
12. Melle Fabienne Goldfarb (CEC)
13. M. Nicolas Legrand (Président CEC)
14. Melle Claire Poinsot (Présidente sortante CEC)
15. M. Guillaume Bonello (Personnalité Qualifiée auprès du CNESER, CEC)
16. M. Stéphane Lavignac (Modérateur du débat, CEC)

Du fait de leur impossibilité à participer à la table ronde, les représentants de Démocratie Libérale et des Verts se sont excusés pour leur absence.

Introduction à la table ronde et plan des débats :

14. Claire Poinsot
La Confédération des Étudiants-Chercheurs (CEC) a été fondée le 2 mars 1996 afin de fédérer les associations de doctorants et jeunes docteurs sur toute la France. C'est à la suite de la diffusion, en avril 1995, du rapport HotDocs (intitulé "Formation Doctorale : Enjeux, Bilan, Propositions ", téléchargeable en : http://garp.univ-bpclermont.fr/guilde/Rapport-HD/) qu'a été ressenti le besoin de pérenniser l'action ainsi initiée.

La CEC est une structure nationale qui favorise la réflexion et l'échange d'information et d'expérience au sein d'une population par essence temporaire, d'origines scientifiques et géographiques très diverses. C'est aussi une représentation nationale, identifiée comme un interlocuteur privilégié par les pouvoirs publics lors des discussions sur la formation doctorale. Ainsi, la CEC, association autonome, interdisciplinaire et apolitique, se veut une force de proposition sur tous les thèmes touchant au 3e cycle et à la formation doctorale.

La CEC regroupe actuellement 32 associations (plus un certain nombre d'adhérents directs) réparties sur toute la France et issues des 7 directions scientifiques. Elle fonctionne uniquement grâce au travail bénévole d'un certain nombre d'actifs, doctorants ou jeunes docteurs, et aux possibilités offertes par le développement d'Internet. Si de nombreuses avancées ont déjà été obtenues (la mise en place d'une Charte des Thèses, la nomination d'un représentant comme personnalité qualifiée au CNESER, la revalorisation partielle de l'allocation de recherche, le détachement automatique pour les lauréats d'un concours du secondaire ayant obtenu un ATER, etc.), beaucoup reste encore à faire. L'association oriente pour le moment ses actions suivant 4 objectifs prioritaires :

  • Faire reconnaître le corps social des étudiants chercheurs (ce terme regroupant les doctorants, les ATER, les post-doctorants),
  • Donner un réel statut social aux doctorants,
  • Aider les doctorants à devenir de véritables acteurs au sein des Ecoles Doctorales,
  • Contribuer au développement des débouchés professionnels des jeunes docteurs.

Cette table ronde a pour but d'établir des priorités qui vont au-delà de la politique des partis, et qui répondent à des attentes fortes de la part des jeunes chercheurs. Pascal Degiovani et Bruno Bost (Guilde des Doctorants) sont invités comme animateurs du débat du fait de leur expertise sur les questions concernant la formation doctorale. Stéphane Lavignac sera le modérateur du débat, chargé de répartir les tours de parole.

Cette table ronde s'articulera par conséquent autour de trois thèmes principaux :
I. Statut social et financement des doctorants.
II. Représentation du corps social des Étudiants-Chercheurs.
III. La Thèse : expérience et formation professionnelles.

I - Statut social et financement des doctorants.

14. Claire Poinsot
En l'espace de dix ans, le nombre de doctorants a été multiplié par 3 en France, pour atteindre aujourd'hui le nombre de 65.000 personnes, comparable au nombre cumulé des chercheurs et enseignants chercheurs. De fait, le rôle du doctorant a également évolué : sa part dans la production de la recherche a augmentée, sa participation à la vie des laboratoires s'est accrue et il est devenue une pièce essentielle au sein de la communauté scientifique française.

Toutefois, les conditions ne sont aujourd'hui pas remplies pour permettre à chaque doctorant de travailler sereinement. En effet, environ 50% des doctorants ne sont pas financés au début de leur travail de thèse. L'autre moitié est financée de manière hétérogène suivant la nature du financement (allocation du Ministère de la Recherche, bourse régionale, contrat CIFRE, bourse d'association caritative, etc.), trop souvent sans protection sociale. Dans l'ensemble, la perte d'attractivité pour la thèse est évidente : il est par conséquent plus que nécessaire de repenser le statut du doctorant si on veut inciter les jeunes à se tourner vers une carrière dans la recherche scientifique.

13. Nicolas Legrand
Le statut minimal du doctorant tel qu'il est conçu par la CEC est le suivant :

  • les doctorants sont en formation par la recherche, ils produisent un travail de recherche qui leur donne le droit à un salaire décent.
  • les doctorants doivent également bénéficier des droits sociaux de base (cotisations à la sécurité sociale, aux caisses de retraite et de chômage, etc...).

2. Pascal Degiovanni
L'hétérogénéité des financements et statut sociaux est parfois un atout (plus de financeurs participent au financement des études doctorales), mais ces multiples statuts génèrent souvent beaucoup de difficultés financières et sociales (cf. Isabelle Pourmir, ``Jeunes chercheurs : souffrance identitaire et désarroi social''). Pour cette raison, il apparaît important d'arriver à améliorer qualitativement l'offre de financement tant au niveau des montants que de la forme juridique (protection sociale) tout en préservant une grande diversité des financeurs. C'est une question ouverte et importante sur laquelle aucune réponse satisfaisante n'a encore été apportée.

Ce problème rejoint celui plus vaste de l'attractivité des carrières de recherche et d'enseignement supérieur car la formation doctorale est le canal de recrutement des futurs chercheurs.

Dans le débat qui va suivre, on peut envisager deux angles d'attaque:

  • Sur le financement des études doctorales : comment améliorer les choses concrètement au niveau des financements de thèse et de la protection sociale associée ? Plus précisément, quels sont les leviers pour tirer les dispositifs de financement vers le haut ? Le contrat de type CDD vous semble il une réponse appropriée ? Comment faire disparaître les situations difficiles, sensibiliser les encadrants ?

  • le financement des ressources humaines de la recherche : quelle vision globale pour restaurer l'attractivité des carrières de recherche, depuis la formation doctorale jusqu'aux embauches et au delà ? Comment rendre plus attractives les carrières de la recherche ? (cf. Rapport du Sénat sur l'expatriation, 2000). Comment éviter que les meilleurs étudiants de second cycle ne se détournent systématiquement de la formation doctorale ?

6. Ludovic Augusto
Il faut distinguer deux actions pour améliorer la situation sociale:

  • à court terme : la priorité budgétaire doit aller aux stagiaires post-doctoraux pour éviter les départs vers l'étranger des BAC+8, et pour les intégrer dans la recherche française.
  • à moyen et long terme : lancer un ``Plan Marshall'' de la recherche, comme les USA ou le Japon l'ont compris, car beaucoup d'emplois dérivent de la recherche.

L'allocation de recherche est une ``pitance''. Les 8.000 francs nets (une allocation de recherche couplée à un monitorat) par mois correspondent à 130 Millions de Francs par an soit 0.23% budget de la recherche. Une revalorisation de l'allocation de 10% et la valorisation de la thèse sont nécessaires.

Le droit au chômage doit être effectif (RMI à la place des APE) et la charte des thèses doit être respectée sur les points suivants : encadrement, projet professionnel, financement obligatoire.

Cela dit, le thésard en CDD n'est peut-être pas une bonne chose, ce n'est pas réaliste. Les institutions doivent rester libres : par exemple le CEA doit pouvoir, s'il le veut, payer plus ses doctorants.

5. Jean-Pierre Alix
Attention à l'image des doctorants : les élèves ingénieurs ont une image positive car ils s'intéressent à leur formation professionnelle.

Le couplage allocation/monitorat après la revalorisation de 2002 apparaît comme une solution. Le passage de la thèse est un apprentissage de la recherche, des méthodes, de l'analyse des problèmes à mettre en valeur. Le doctorant est un jeune chercheur. Mais pourquoi lui faut-il un statut unifié ?

3. Pierre Lasbordes
Je suis fortement surpris de l'existence de thèses non financées, dont je n'avais pas connaissance. Le besoin de protection sociale est évident, un statut à partir du DEA est nécessaire. Enfin, la revalorisation de 5.5% de l'allocation de recherche est insuffisante. Ce fait sera relayé auprès du ministre Schwartzenberg.

10. Nicole Morichaud
La recherche doit être une priorité nationale. L'état doit s'en donner les moyens et atteindre 3% du PIB pour le budget de la recherche, comme cela avait été fixé en 1982. Au contraire, le budget n'a pas cessé de diminuer. Il faut revaloriser le travail de tous les personnels de la recherche.

De plus, la thèse doit être reconnue et valorisée comme un travail. A un travail doit être lié salaire et statut. Il faut augmenter le montant de l'allocation pour revenir à 1,35 fois le montant du SMIC, comme décidé en 1991. De plus, il faut indexer l'allocation sur l'évolution du SMIC pour que le montant de l'allocation reste à 1,35 fois le montant du SMIC, et aussi augmenter le nombre d'allocataires, pour donner envie aux jeunes de faire une thèse. Enfin, il ne faut pas se contenter d'améliorer uniquement le sort des allocataires, mais il faut penser à tous les doctorants.

9. Alain Hayot
Pour le PCF, le problème est budgétaire. A 2,2% du PIB aujourd'hui, on a reculé, il faut aller vers un budget de la recherche à 3% du PIB. Les budgets 2001 et 2002 sont en progression mais ils sont loin des 3%, un engagement de la gauche en 1995.

En parallèle, on ne peut que constater une faiblesse de l'emploi scientifique en France. La France est à la 5ème place des pays de l'OCDE en budget et nombre de chercheurs derrière la Suède, le Japon, les USA, l'Allemagne. Il y a en France moins de 6 chercheurs pour 1.000 habitants, alors qu'aux USA ce chiffre est de 7,5. L'effort pour progresser doit être partagé entre les financements publics (postes dans les grands organismes et l'enseignement supérieur) mais aussi privés (le secteur privé de la recherche n'est pas en France au niveau des autres grands pays industrialisés).

Le PC s'est abstenu lors du vote de la loi sur l'innovation. Il avait proposé un amendement, refusé, visant à remplacer le ``crédit impôt recherche'' par un impôt libératoire. Les investisseurs justifiant du recrutement de docteurs auraient pu bénéficier de cet impôt libératoire.

Les docteurs en entreprise ont un salaire ridicule par rapport à celui des ingénieurs, ce qui n'est pas normal. Un docteur apporte au moins autant qu'un ingénieur. Les conventions collectives doivent considérer un chercheur au même niveau qu'un ingénieur.

Les statuts du doctorant et du post-doctorant doivent être mieux définis dans le public et le privé. Le PC travaille déjà sur une proposition de loi sur le statut des jeunes en formation à partir de 16 ans, le statut de ``fonctionnaire stagiaire''.

4. Gérard Tobelem
La recherche n'a plus été une priorité en France dans les années 90 comme c'était le cas dans les années 60 et 80, toutes tendances politiques confondues. Cela s'est traduit par une diminution du pourcentage du PIB alloué à la recherche et une perte de places de la France par rapport aux autres pays. La recherche est sous-équipée en terme d'emploi scientifique pour aller de la création du savoir, la transmission du savoir, jusqu'à l'innovation. Il ne doit pas y avoir de hiérarchie entre recherche fondamentale et appliquée.

Les étudiants se tournent vers les formations professionnelles les plus actives, il y aura donc moins de thèses soutenues. Au niveau des ressources humaines, il y a une dignité à donner au statut (non apporté à'88 droite comme à gauche). Mais il n'existe pas de solutions uniques, il faut réfléchir selon les disciplines. Entre 24 et 30 ans, on construit sa vie (professionnellement et personnellement), il faut cotiser pour le futur (retraite) dès le début de la formation doctorale. Il est toujours temps de le faire. Les 5,5% de revalorisation sont insuffisants mais il n'est pas possible de dire si la droite aurait pu faire mieux du fait des contraintes budgétaires. Pourquoi ne pas engager un processus de revalorisation en définissant des paliers de rémunération par an sur les trois années de thèse ? Est-il possible de définir des CDD de 3 ans ? Sur le modèle des emplois jeunes, CDD de 5 ans, on doit pouvoir trouver des solutions. Par exemple, il faudrait également que les associations caritatives puissent s'acquitter des cotisations sociales.

Enfin, il ne faut pas opposer privé et public, il y a une grande proportion de docteurs qui vont rentrer dans le privé à l'issue de leur thèse. La formation doctorale doit donc préparer ces plus de 50% de docteurs à l'entrée dans le privé.

8. Malik Lahoucini
La protection sociale doit se faire et se fera. Le Ministre de la Recherche ne peut pas tout faire avec son budget, surtout face à une diversité de situations complexes.

L'introduction des mastères de la directive 3/5/8 est une dérive vers la professionnalisation de l'enseignement, ce sera une concurrence déloyale aux chercheurs. Enfin, la revalorisation de l'allocation est de bon aloi. Le gouvernement a relancé la demande publique, il faut soutenir la croissance.

14. Claire Poinsot M. Alix, vous parlez de l'image négative du docteur, ce n'est pas tout à fait vrai, la bataille engagée montre que nous pensons valoir mieux que ce que nous avons aujourd'hui. Dix années de silence nous ont amenés à l'état actuel. Nous voulons montrer une image positive de la recherche. Nous sommes conscients du bien-fondé de l'apport des docteurs à la société.

Quant à l'allocation de recherche, elle est passée de 7.400 francs à 7.807 francs bruts uniquement. Actuellement, 67% des nouveaux allocataires (2.700 sur 4.000) disposent d'un monitorat, ce qui leur permet de toucher un salaire brut de 10.000 francs, mais cela ne concerne qu'une minorité de doctorants. Malheureusement, le ministère communique sur ces 10.000 francs bruts. Il ne faut pas oublier que le monitorat est un temps de travail pris sur la recherche. Le danger du couplage obligatoire est de créer un ``tuyau'', une voie royale pour l'emploi vers l'enseignement supérieur. Cela ne doit pas être un moyen de réévaluer l'allocation.

7. Muriel Terreau
Ce ``tuyau'' n'existe pas en ce moment.

14. Claire Poinsot
C'est le projet à court terme

3. Pierre Lasbordes
Effectivement le gouvernement communique sur 10.000 francs bruts et le couplage. Le gouvernement est prêt à revoir le statut du monitorat, et de préciser ce qu'est le monitorat. Cela reste, me semble-t-il, insuffisant.

14. Claire Poinsot
Le chercheur peut faire autre chose que de l'enseignement supérieur. Et n'oublions pas les doctorants non allocataires qui peuvent avoir envie d'enseigner !

9. Alain Hayot
La piste de l'enseignement supérieur est importante, surtout si on considère le taux de vieillissement des personnels. Mais il y a d'autres pistes qui passent par une augmentation des recrutements dans les grands organismes de recherche, le statut du ``fonctionnaire stagiaire'', et une meilleure articulation entre les doctorants et les entreprises, notamment via les régions. Prenez l'exemple de la région PACA, qui propose 200 allocations de 8.000 francs nets, allouées sur un projet en association avec une entreprise. Cela dit, il est vrai qu'il faut se battre pour que les entreprises prennent en charge 50% du financement : en ce moment, leur participation tourne plutôt à hauteur de 10%.

5. Jean-Pierre Alix
On peut imaginer différentes formules de monitorat, ouvrir le monitorat, ne pas le rendre rigide. Je peux vous donner l'exemple d'un étudiant américain qui a agit de façon ponctuelle en entreprise pour la mise au point de systèmes de mesure. Aussi, il me semble nécessaire de trouver une nouvelle définition pour le monitorat.

14. Claire Poinsot
Il y a une différence entre monitorat et expertise, car transmettre une expertise serait un monitorat ponctuel. Or, le monitorat est un enseignement régulier sur l'année. Il est difficile de l'adapter aux entreprises. Enfin, les propositions actuelles du ministère sont floues, autant sur le financement des mesures que sur l'organisation pratique.

2. Pascal Degiovanni
Tout d'abord, une remarque sur vos interventions : n'oublions pas qu'il y a en proportion peu d'allocataires : environ 12.000 sur 65.000 personnes inscrites en thèse. Le plus gros problème reste le statut des autres doctorants, un financement décent et une couverture sociale pour l'ensemble des doctorants.

On peut en fait distinguer 3 catégories de doctorants : ceux qui ont un contrat de travail et un vrai salaire, ceux qui ont une bourse et ceux qui ne sont pas financés. La première catégorie, qui comprend les allocataires de recherche, est sur le plan du statut social dans une bonne situation (couverture des risques maladie, accident du travail, perte d'emploi & cotisation pour l'assurance vieillesse). Les problèmes se trouvent surtout dans les deux autres !

Ce simple constat permet déjà de cibler un peu plus les questions que l'on peut se poser et qui recentrent le débat sur des choses très concrètes :

  • Par quels moyens inciter les acteurs financiers potentiels à changer leur mode de financement ? Concrètement, comment inciter les associations caritatives, qui financent des bourses de thèse, à évoluer vers de véritables contrat de travail ? L'état peut-il avoir une action incitative en mettant en place un mécanisme de remboursement des charges sociales ?

  • Que peuvent être les différentes formes de mutualisation des moyens financiers qui permettraient d'augmenter l'offre de cofinancements (cf les BDI) sous forme de Contrat de Travail ?

  • Qu'en est-il de la Prime d'Encadrement des Directeurs de Recherche lorsque le doctorant est non financé ? Ne pourrait t'on pas l'utiliser comme un moyen de pression sur les directeurs de thèses pour faire reculer le non financement ?

Sur le point particulier du monitorat (encore une fois ce n'est pas le problème principal), on cependant peut se demander si sa généralisation ne risque pas d'entraîner une augmentation ``officielle'' de la durée de la thèse ? Sous sa forme généralisée, le monitorat pourrait-il être un panachage entre de l'enseignement, de l'intervention vers l'entreprise, du travail de type associatif ?

4. Gérard Tobelem
Par rapport aux bourses : l'état consent déjà aux associations reconnues d'utilité publique, une détaxation des donations. Un autre avantage de la part de l'Etat serait sans doute un pas de trop. Il faudrait donc que les associations payent les charges sociales des bourse, transformées en contrat, pour que les boursiers aient le même statut que les allocataires.

Pour ce qui est de l'emploi scientifique, j'aimerais que soit développée la piste du journalisme scientifique, qui doit aussi intéresser les docteurs.

Enfin, il faut changer le mot ``monitorat'', c'est une mauvaise terminologie pour les activités hors enseignement supérieur. Il faut donner aux doctorants la possibilité d'avoir une partie de leur activité en enseignement, diffusion scientifique, transfert de technologie ou relations internationales, etc.

La durée de la thèse est purement conventionnelle, elle change selon les conditions. Le passage aux 35 heures ne doit pas, par exemple, faire allonger la durée des thèses !

16. Stéphane Lavignac
L' Etat ne peut-il pas contraindre les associations caritatives ?

10. Nicole Morichaud
Attention, les allocataires sont une minorité, et si le monitorat est théoriquement ouvert à tous, on constate en pratique un lien privilégié avec l'allocataire. Il est donc nécessaire d'élargir le propos et de réfléchir sur le plus grand nombre.

La loi de 1984 fixe les moyens financiers et les règles sur le statut social. Je suis pour ma part favorable à une nouvelle loi de programmation de la recherche qui doit fixer des règles sur les moyens financiers et sur le statut social des doctorants. Il y a des règles dans les entreprises, qui ne sont pas appliquées dans les laboratoires. Ce n'est pas acceptable, la loi ne doit pas permettre cela. Dans certains laboratoires on vend aux doctorants l'honneur d'y travailler, ce qui pousse au bénévolat : c'est inacceptable !

9. Alain Hayot
Dans l'enseignement supérieur, dans les organismes de recherche, la moitié des enseignants chercheurs ne font plus de recherche aujourd'hui. C'est, me semble-t-il, un danger. Il faut redéfinir la place respective des grands organismes et de l'enseignement supérieur, et injecter plus de chercheurs dans le secteur privé.

De plus, je suis persuadé qu'il faut revoir le ``crédit impôt recherche'' : aujourd'hui, l'entreprise ne le paye pas si son budget R&D est suffisant. Il faut le remplacer par un impôt libératoire, qui n'est pas payé si l'entreprise embauche des docteurs.

Il ne suffit plus aujourd'hui de piller la recherche publique, d'avoir simplement des liens avec le public. Les doctorants ont droit à un statut, il y a plusieurs portes, plusieurs modèles.

16. Stéphane Lavignac
Pourquoi ne pas modifier la loi de 1984, limiter le nombre de thèse non financées, et uniformiser le statut ?

6. Ludovic Augusto
Le constat est en effet simple : la charte des thèses n'est pas respectée. Il faut regarder ce qui fonctionne, ce qui marche : par exemple les doctorants des écoles d'ingénieurs.

5. Jean-Pierre Alix
Je suis d'accord pour l'harmonisation des régimes financiers. Il y a une résistance des associations caritatives dont on ne connaît pas l'origine, suite à l'échec de la réflexion sur les bourses en 1997, puis l'échec du ministère de Claude Allègre sur ce point. Il faut faire un effort pour la recherche dans le pays, et travailler sur le phénomène des cycles économiques pour l'emploi des docteurs. Une piste pourrait être un partage de l'effort en l'Etat et les régions.

Il est aujourd'hui plus que nécessaire d'insister sur les activités annexes au travail de recherche. On pourrait aussi envisager de contractualiser la thèse sur le travail de recherche et sur des objectifs annexes.

16. Stéphane Lavignac
Pourriez-vous détailler un peu plus le cas du ``crédit impôt recherche'' ?

9. Alain Hayot
Ce n'est pas une taxe, c'est un crédit : si une entreprise investit dans la recherche, elle ne paye pas.

4. Gérard Tobelem
Cette mesure concerne les entreprises de moins de 600 à 800 salariés. Si elles déclarent faire de la R&D, elles bénéficient d'un crédit d'impôt sur les bénéfices. Il faut inciter au développement de la branche R&D, et l'entreprise doit avoir du personnel qualifié pour faire de la recherche, c'est-à-dire des docteurs et des ingénieurs. Cette mesure est à revoir.

En 1996 : le fond pour la recherche et la technologie (FRT, Ministère de la Recherche et de l'Industrie) est attribué sur appel d'offre à une entreprise ou un laboratoire publique. L'idée à l'époque consistait à lier l'embauche des docteurs à ce FRT. Il faut que s'applique à toutes les entreprises une justification de la R&D par les ressources humaines, c'est-à-dire l'emploi des docteurs.

II. Représentation du corps social des Étudiants-Chercheurs.

15. Guillaume Bonello
La situation des doctorants et jeunes docteurs non-statutaires est très ambiguë, et de fait, se traduit par une mauvaise représentation de ce corps des étudiants chercheurs (représentant à lui seul autant que les personnels chercheurs et enseignants chercheurs, soit plus de 65.000 personnes) tant dans les instances locales (laboratoires, universités, établissements) que nationales (CNESER). En effet, dans le cadre de la loi actuelle, un doctorant pourra être rattaché soit au collège A des usagers s'il est non-financé, allocataire, etc., ou rattaché au collège B des personnels s'il possède un statut de moniteur ou d'ATER. En outre, la spécificité des étudiants de 3eme cycle pour discuter des questions de politique de recherche est explicitement mise en évidence par les règles d'élection aux conseils scientifiques des universités (seuls les étudiants de 3eme cycle sont éligibles).

Historiquement, les problèmes spécifiques des doctorants (qui émergent aujourd'hui dans le débat public) n'ont pas été portés sur la scène politique ni par les organisations représentant les usagers, ni par celles représentant les personnels. Le fait qu'il ait fallu attendre plus de 5 ans avant que le constat sur la situation des doctorants et les propositions élaborées par des associations de doctorants arrivent aux oreilles des représentants de la nation est notamment lié'8e à ce manque de représentativité spécifique. Il est probable que les problèmes des étudiants chercheurs auraient été plus rapidement identifiés si un espace particulier d'expression avait été réservé à ce corps social au sein des assemblées débattant des questions d'enseignement supérieur et de recherche.

De même, du point de vue des doctorants, l'émergence d'un collège spécifique d'étudiants chercheurs leur permettrait de prendre pleinement conscience de la place importante qu'ils ont à occuper dans le système et de faire face aux responsabilités intrinsèquement liées à leur statut en terme d'acteurs dans l'orientation de la politique scientifique mais aussi sur les questions de diffusion des connaissances, d'éthique ou encore de transfert de technologie. Le collège spécifique serait le meilleur moyen de préparer les jeunes docteurs aux responsabilités qu'ils seront appelés à prendre, que ce soit dans le système de l'enseignement supérieur et de la recherche publique, mais aussi au sein des entreprises françaises ou des administrations de l'Etat.

C'est pourquoi la CEC demande qu'un collège spécifique des étudiants chercheurs, qui regrouperait les étudiants en école doctorale et les jeunes docteurs encore en activité au sein des établissements d'enseignement supérieur et de recherche sur un emploi non permanent, soit créé et mis en place à tous les niveaux de représentation des différents acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER, universités, établissements, écoles doctorales, laboratoires). C'est en 1997 que la CEC a pour la première fois demandé la création d'un collège spécifique. A l'époque, cette demande a été jugée comme inimaginable et a conduit à la nomination d'une ``personnalité qualifiée'' par le Ministre de la Recherche, mais celle-ci n'a pas de droit de vote, est non élue, non reconnue et donc peu représentative.

Comment vous situez-vous par rapport à cette revendication d'un collège spécifique ?

2. Pascal Degiovanni
Sur cette question, nous sommes typiquement face à une aberration législative. Les moniteurs sont dans le collège B et les autres doctorants dans le collège A alors que dans les deux cas, il s'agit de doctorants. Pour faire cesser cette ``schizophrénie à la française'', seriez vous prêts à modifier la loi de 1984 pour enfin remédier à cette situation ubuesque ?

6. Ludovic Augusto
Je suis tout à fait favorable à la création d'un collège spécifique au CNESER par la modification de la loi de 1984, mais aussi au CA et CS dans les universités.

En parallèle, je propose la création d'un Conseil National des Doctorants au rôle consultatif sur la recherche au niveau du ministère et au rôle décisionnel sur les ED et la Charte des Thèses, et qui se réunirait une ou deux fois par an.

10. Nicole Morichaud
Oui pour la modification de la loi de 1984, oui pour le collège représentatif. Mais il faut rester prudent, car il est plus facile de donner une représentation qu'un statut. Il ne faut surtout pas oublier la question du statut social.

9. Alain Hayot
Concernant la loi de 1984, je dirais oui, mais sous certaines conditions. Il faut permettre la représentation des étudiants chercheurs, mais cette lutte doit se mener en parallèle à la bataille sur le statut. Cela doit se situer dans le cadre d'une nouvelle avancée dans la démocratisation des établissements de recherche. Il y a un problème avec la loi de 1968 : les universités évoluent trop vite vers la présidentialisation à outrance, qui va de paire avec la présidentialisation des chercheurs dans les labos. Il s'agit donc également d'une bataille à mener pour la dé'8emocratisation de l'enseignement supérieur, et pour une pratique démocratique de la science.

8. Malik Lahoucini
Je suis pour une modification de la loi de 1984. Il faut toutefois faire attention aux chocs dans les CA et les CEVU : en effet, il ne faut pas que ce soit une occasion de limiter les acquis.

4. Gérard Tobelem
Effectivement, il faut élargir le rôle social des étudiants chercheurs. Il y a eu une remise en question du progrès scientifique au fil des années, de l'image de la science et il y a un danger de voir remettre en cause ce que la science a pu apporter à l'homme, à l'éducation, au savoir.

Les futurs chercheurs doivent donc avoir un rôle social plus important vis-à-vis des plus jeunes, c'est-à-dire obtenir plus de responsabilités pour participer, pour s'exprimer en tant que futur chercheur scientifique : n'oublions pas que la science est une source de progrès ! Le rôle des doctorants est important, d'autant plus que vous êtes multidisciplinaires : les doctorants en ``Sciences de l'Homme et de la Société'' sont par exemple en interaction directe avec la société.

5. Jean-Pierre Alix
Je suis favorable à la représentation des étudiants chercheurs, car c'est un apprentissage citoyen précoce et nécessaire à faire pour les 26-30 ans. Mais sous quelle forme ? N'y a-t-il pas un risque de dilution dans l'université ? mais c'est peut-être une nécessaire contrepartie pour élargir la discussion.

2. Pascal Degiovanni
En guise de synthèse, je dirais que vous avez souligné le rôle social des étudiants chercheurs et votre accord de principe sur la nécessité d'améliorer les choses est quelque chose de très positif.

La représentation demandée par la CEC traduit une volonté de participation des étudiants chercheurs dans les processus décisionnels. Il est clair que si on va dans cette direction, cela nous engage collectivement à participer aux débats sur Science & Société qui ont été mentionnés et donc à contribuer à la justesse et à la qualité de la relation entre scientifiques et société civile. La CEC a déjà travaillé sur ce sujet et il est aussi traité dans le premier chapitre du rapport HotDocs. C'est un point dont nous sommes tout à fait conscients : le droit à une représentation s'accompagne d'un devoir de participation.

III. La Thèse : expérience et formation professionnelles

11. Claude Montagnon
La position ambiguë du doctorant a été précédemment soulignée, d'où la question suivante : le doctorant doit-il être encore considéré comme un ``étudiant attardé'' par les chercheurs qui l'encadrent et par ses recruteurs potentiels ? Cela ne peut a priori pas être le cas puisqu'il effectue un véritable travail de recherche dans les mêmes conditions qu'un chercheur permanent. L'école doctorale est un bon moyen pour le doctorant de valoriser son expérience professionnelle de recherche auprès des entreprises, et de compléter sa formation. Cela passe notamment par la création de formations transversales pour un projet professionnel personnel.

12. Fabienne Goldfarb
Les recruteurs connaissent mal les docteurs. Un contrat de thèse permettrait la visibilité de la thèse comme véritable expérience professionnelle. De nos jours, la charte des thèses, qui n'est pas un contrat, est non contraignante, ce qui entraîne des problèmes et dérives dans son application.

Les écoles doctorales pourraient être un bon moyen d'observation et d'aide à l'application de la charte des thèses, voire d'un contrat de thèse. Ce contrat de thèse serait une façon de ``professionnaliser'' la thèse pour permettre une meilleure insertion des jeunes docteurs.

1. Bruno Bost
La formation par la recherche scientifique est suffisamment formatrice pour permettre d'intégrer le monde académique, le secteur privé ou même l'administration de l'Etat. On observe cependant la nécessité des formations complémentaires au cours de la thèse, qui doivent permettre aux doctorants de construire un projet professionnel cohérent. Mais par ces formations complémentaires, il y a un véritable danger de créer des filières doctorales cloisonnées, du type ``thèse courte appliquée pour le privé'' versus ``thèse longue fondamentale pour l'académique''. Il est important de ne pas tout conditionner en ``package'' dans la formation doctorale. Par ailleurs, la formation doctorale ramène au préalable de la formation antérieure: tout ne peut pas être réalisé dans les formations doctorales.

9. Alain Hayot
C'est évident que le doctorant n'est pas un étudiant attardé mais un producteur. Il y a la nécessité d'un grand débat national sur la recherche, notamment au Parlement comme en 1982. La charte des thèses et le statut du doctorant doivent être au coeur de ces débats. La reconnaissance de la formation par la recherche doit être effective, surtout dans les entreprises. Il ne faut pas de filières cloisonnées mais, au contraire, une unité de formation entre le fondamental et l'appliqué.

Il y a une responsabilité des Universités, des laboratoires et de l'encadrement qui laisse à désirer. Ce laxisme existant dans le non-respect de la charte, alors que le doctorant s'engage lourdement sur une période très longue, doit être dénoncé. Les priorités scientifiques ne doivent pas être exclusives (biologie et NTIC, par exemple), c'est une ``politique de gribouille'' que de parler de créneaux porteurs. Les sciences humaines et sociales sont à nouveau les parents pauvres.

[départ de 9. Alain Hayot]

16. Stéphane Lavignac
En 1996, on a eu des Etats Généraux de l'Université, en 1999 le rapport Cohen - Le Deaut, qu'est-ce qu'il s'en suit ?

3. Pierre Lasbordes
C'est vrai qu'il est temps de relancer un vrai débat, mais le ministère actuel a refusé de le faire. Il faut améliorer l'image des docteurs auprès des entreprises et prospecter dans d'autres voies d'embauche. Il peut être envisagé d'avoir une démarche fiscale incitative pour faciliter l'embauche des docteurs dans les entreprises. Tous les étudiants se doivent d'avoir un projet professionnel, et en particulier les doctorants. Le directeur de thèse et les écoles doctorales ont un rôle d'accompagnement évident à jouer. Il faut tout faire pour mieux utiliser les compétences qui existent déjà.

4. Gérard Tobelem
Les doctorants sont à la fois des co-producteurs de recherche et des étudiants en formation. En 1996, un point particulier m'a incité à travailler avec la CEC pour la mise en place de la charte des thèses : en effet, on observait sur le terrain que beaucoup d'enseignants chercheurs ``encadraient'' plusieurs dizaines de doctorants ! La charte des thèses est un progrès, un premier pas vis-à-vis de ces déviances. En 2002, 4 ans se seront écoulés depuis la mise en place effective de la charte (une génération de docteurs), puisqu'elle était rédigée depuis 1996 et mise en place en 1998. Il y a donc la nécessité de faire un bilan, un audit, et si réellement il y a des déviances évidentes, il faudra être plus contraignant. En guise d'exemple, l'encadrant reçoit une prime d'encadrement qui peut être contrôlée.

L'école doctorale est un bon espace pour cela, du fait des trois missions qu'elle est appelée à remplir :
1)s'assurer de l'évaluation de l'encadrement, de l'extérieur
2)mettre en commun de moyens pour la formation des doctorants (compléments de modules, etc.)
3)donner une visibilité internationale (suppression du DEA).

Tout ceci sous-entend la mise en place d'une évaluation, qu'on ne sait pas bien faire en France : il s'agit d'un gros chantier de réflexion à mettre en oeuvre.

De plus, il faut faire preuve de pragmatisme : qu'attendent les entreprises des docteurs ? Il faut sans doute écouter de plus près la demande des entreprises, et savoir l'intégrer dans la formation doctorale, car plus de la moitié des jeunes docteurs se tournent vers les entreprises.

Enfin, il y a une importance de la recherche fondamentale pour le futur, dans tous les champs disciplinaires. La recherche fondamentale doit être libre sur tous les domaines, contrairement à la recherche appliquée où il peut y avoir des lignes directrices.

10. Nicole Morichaud
Est-ce qu'un doctorant produit un travail ? La réponse est oui, bien sûr. Un industriel le sait, la thèse, c'est un travail. La charte des thèses n'est qu'une énumération de faits, il ne faut pas une charte, il faut un contrat, avec des moyens liés au statut du doctorant. Il faut donner une priorité à la recherche nationale. Le seul moyen de faire passer la nécessite d'une recherche forte, avec un budget cohérent, c'est de toucher la population dans son ensemble : entreprises, associations, médias, etc. il faut redonner des crédits aux associations spécialisées dans la diffusion de l'information culturelle et scientifique.

2. Pascal Degiovanni
En tant que ``dinosaure'' de la charte des thèses, je voudrais juste donner quelques éléments historiques expliquant pourquoi on n'est pas arrivé à une forme contractuelle de type ``Contrat de Thèse''. Tout vient d'une difficulté juridique concernant les encadrants, qui ne peuvent pas juridiquement ``contracter''. Seul les chefs d'établissements ont cette capacité mais un Contrat de Thèse signé par le seul chef d'établissement n'engagerait pas le directeur de thèse aussi fortement. Si on voulait vraiment passer au ``Contrat'', il serait nécessaire de changer la loi de 1984 sur le statut et la capacité juridique à contracter des enseignants chercheurs. Bien sur, cela conduirait à une modification des conditions d'exercice du métier et, quelque part, de la liberté d'exercice de l'activité de recherche du fait même de l'existence de relations contractuelles (un contrat introduit toujours une contrainte, par définition).

Mais finalement, une telle modification n'altérerait pas la liberté intellectuelle ni de choix de ses thématiques mais plutôt les conditions d'exercices de l'activité. De même qu'il existe des lois éthiques qui bornent ce qu'un chercheur peut faire dans le cadre de travaux sur le vivant, ne serait il pas temps de mener une réflexion sur l'éthique des conditions de travail en recherche ?

4. Gérard Tobelem
La liberté de l'enseignant chercheur remonte à très loin. On doit rester attaché à cette liberté, dans la transmission et la création du savoir. Cependant la société doit fixer des limites, il y a par exemple des lois bioéthiques qui régissent précisément ces limites. Prenons l'exemple des biotechnologies : le chercheur peut travailler sur le clonage animal en tant qu'outil de création de savoir mais la société a le droit de lui interdire d'utiliser le clonage reproductif sur l'homme.

2. Pascal Degiovanni
Il n'est pas dans notre idée de remettre en cause les libertés intellectuelles fondamentales des chercheurs et universitaires. C'est un point tout à fait important auquel nous sommes attachés. Notre réflexion porte plus sur la manière dont l'activité est exercée (cf. les lois de bioéthique).

Or, la délimitation des choses permises/non permises est beaucoup moins nette dans la problématique charte/contrat que sur un sujet comme le clonage. En effet, alors que les lois de bioéthique définissent une frontière juridique claire entre pratiques acceptables et inacceptables, il n'existe rien sur les conditions sociales dans la recherche. C'est cela qui fait que de véritables situations de ``travail clandestin'' existent dans certains laboratoires. C'est sur ce point précis que nous souhaiterions connaître votre sentiment et vos propositions pour améliorer les choses.

4. Gérard Tobelem
Ce n'est pas priver la liberté de l'enseignant chercheur que de le contraindre. L'enseignant ne peut pas signer un contrat, mais l'établissement le peut. Puisqu'il y a des insuffisances, on devient plus contraignant, c'est tout...

15. Guillaume Bonello
La réponse qui nous est faite depuis 4 ans est que c'est la Mission Scientifique Universitaire (MSU) qui est chargé de l'évaluation et qu'elle n'a pas assez de personnels et de moyen pour la mener à bien. Ce n'est clairement pas une priorité.

6. Ludovic Augusto
Tout pourrait peut-être se faire au niveau du Comité National d'Evaluation (CNE).

5. Jean-Pierre Alix On peut dire que la charte des thèses possède un but éthique... Concernant la formation professionnelle, il faut permettre le développement de formations permettant d'anticiper sur l'après thèse, par le développement de modules au sein des écoles doctorales, afin d'arriver au final avec un diplôme équivalent celui d'un ingénieur, avec en plus l'expérience de la recherche.

12. Fabienne Goldfarb
Deux tiers des doctorants ne vont pas par la suite dans le secteur académique. Il y a donc une nécessité d'une ouverture vers l'entreprise, pas seulement pour ceux qui se destinent au secteur privé, mais pour tout le monde : il faut clairement refuser le cloisonnement. Le secteur privé, tout comme le secteur public, a besoin des compétences diverses apportées par les docteurs. J'insiste sur le fait que la thèse est un projet professionnel individuel sur 3 ans.

1. Bruno Bost
La CEC, comme la Guilde des Doctorants, pense que les offres de formations doivent être les plus variées possibles. On constate que les critères de recrutement dans la recherche académique (publications, stages post-doctoraux, etc.) contribuent au cloisonnement. Il y a la nécessite de mettre le nez dans les procédures de recrutement dans l'académique. Prenons exemple du recrutement dans le privé.

4. Gérard Tobelem
Effectivement, il faut éviter le ``clonage des esprits'', l'évaluation n'est pas innocente. Mais il ne faut pas non plus être angélique vis-à-vis des entreprises : les chefs d'entreprises sont soit autodidactes, soit issus des grandes écoles, très peu sont universitaires, il en va de même dans l'administration de l'Etat. Les universitaires doivent l'accepter, la France est faite comme cela. Mieux, les universitaires doivent intégrer ces milieux là.

16. Stéphane Lavignac
Faut-il contraindre les jeunes, les obliger à quitter leur paillasse (obligation de formation), ou les inciter seulement ? Et cela des deux côtés, doctorants et encadrants ? Ne suffirait-il pas de vendre la thèse tout simplement comme une première expérience professionnelle ?

5. Jean-Pierre Alix
Il y a d'un côté des jeunes docteurs sans emploi, et de l'autre un certain nombre d'entreprises qui peuvent avoir des problèmes d'organisation. Le type d'offre et de demande est très différente selon les disciplines. Il faut envisager la création de forum, avec des coups de pouce de l'Etat via les régions, dans lesquels les deux types de besoin seraient représentés (école doctorale/entreprise).

6. Ludovic Augusto
C'est un problème de mission politique et j'ai quelques exemples concrets sur les faiblesses du système français actuellement : il suffit de regarder les listes des prix Nobel ou des dépôts de brevet (pour 12 brevets anglo-saxons le 13ème uniquement est français). Il faut plutôt essayer d'utiliser les concepts appliqués par les grandes écoles : rencontres avec les entreprises, parrains au niveau des filières, multiplication des encadrements mixtes. Il existe un problème d'image des doctorants qui est un problème de marketing. Je suggère de faire un audit sur la formation doctorale, ou d'agir pour valoriser l'image de la thèse, par exemple en créant des prix nationaux pour récompenser la ``meilleure thèse'', etc.

12. Fabienne Goldfarb
Il faut faire attention lorsqu'on se lance dans une comparaison entre la formation doctorale et le cursus dans les écoles d'ingénieur : il existe en effet de grandes différences de visibilité, de diplôme, de carnet d'adresse, etc. La formation doctorale est une formation individuelle personnelle.

2. Pascal Degiovanni
La formation doctorale, à l'inverse du diplôme d'ingénieur, est reconnue sur le plan international car le doctorant français correspond, depuis la réforme des thèses de 1984 et à des détails près, au PhD américain, qui s'est imposé comme norme internationale. La formation doctorale est de plus complètement décloisonnée : on fait un doctorat, pas un doctorat de l'université ``machin-chose''. Ces deux points sont deux atouts forts de la formation doctorale qui ne sont pas présents au niveau des formations des écoles d'ingénieurs : celles-ci forment un système franco-français (donc peu lisible au plan international) et fortement cloisonné (effet de pédigré).

Les leviers d'actions se situent au niveau de l'école doctorale, qui est à l'heure actuelle une coquille vide, où les choses sont à mettre en place.

6. Ludovic Augusto
Les écoles d'ingénieurs sont des filières assez rares dans le monde, alors que la thèse est reconnue partout dans le monde ! Un audit permettrait de déboucher tout de suite sur des conclusions, l'école Polytechnique et l'école Centrale l'ont fait !

8. Malik Lahoucini
Un audit par un cabinet privé est une chose, mais il faut garder à l'esprit que ce n'est pas économiquement possible.

4. Gérard Tobelem
La formation doit-elle être contraignante ou incitative ? Je préférerais être incitatif, à priori, mais sans carotte il y a peu de chance d'obtenir des résultats. Il faut laisser une grande liberté au doctorant, tant dans le nombre de modules que dans la nature des modules. Il faut une mise en commun de moyens pour ces formations par les écoles doctorales.

Conclusions

4. Gérard Tobelem
Chaque réflexion apporte un progrès. Bien entendu, il faut continuer à avancer pour que les docteurs obtiennent une reconnaissance qui n'existe pas à l'heure actuelle en France, surtout pour des raisons historiques. Je m'engage à mettre en oeuvre le fruit des réflexions actuelles si les résultats des futures consultations nationales le permettent. La CEC est un bon partenaire pour l'accompagnement de ce travail.

5. Jean-Pierre Alix Je remercie la CEC pour cette table ronde et je prends le même engagement pour une mise en oeuvre en cas de responsabilités gouvernementales. Il reste à créer la compétitivité des docteurs. Je souhaite que vous restiez un interlocuteur fort sur ce sujet dans l'avenir.

6. Ludovic Augusto
Il faut défendre l'image de la France et, comme Charles De Gaulle, défendre la recherche. Tout est question de volonté politique, vous pouvez compter sur moi pour défendre les intérêts des doctorants auprès de M. Charles Pasqua.

8. Malik Lahoucini
Je souhaite que vous perduriez, que votre association s'agrandisse et que vous trouviez une autre interface, notamment dans l'élargissement vis-à-vis des sciences humaines et sociales. On peut encore agir aujourd'hui, même à quelques mois des échéances. Je me ferai le porte-voix quant à vos doléances, mais je garde quelques réserves. Il y a des revendications légitimes, comme la création d'un collège spécifique des doctorants.

10. Nicole Morichaud
Je m'associe aux compliments. En son temps, M. Chevènement a montré par ses actes toute l'importance qu'il attache à ces problématiques, et il continuera à les défendre. Nos parlementaires sont à votre disposition. Il faut refuser qu'il y ait une multitude de statuts différents, c'est une atteinte à l'égalité qui n'est pas acceptable. Il faut se donner les moyens de régulariser l'emploi des jeunes.

3. Pierre Lasbordes
Je m'associe aux remerciements. A court terme, je ferai des propositions très concrètes vous concernant, en espérant que mes collègues parlementaires y seront réceptifs.

13. Nicolas Legrand:
De ce débat, un certain nombre de positions consensuelles concernant les doctorants semblent s'être dégagées :

  • les doctorants doivent avoir accès à un statut social de base et à un salaire ;

  • ils doivent accéder à une place plus importante dans la communauté scientifique, même si cela implique des responsabilités supérieures vis-à-vis de la société dans son ensemble ;

  • la chartre des thèses n'est pas convenablement respectée, il faudra sans doute envisager un jour des mécanismes allant au-delà ;

  • et l'insertion professionnelle passe par les écoles doctorales, il faudra en rediscuter.

Globalement, il existe une volonté d'engager un grand débat national (loi de programmation).

Je vous remercie pour votre participation à cette table ronde.

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Ce document (/interventions/2001-tableronde/index.html) a été mis à jour le 11 juin 2007

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