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Document tiré de : cjc.jeunes-chercheurs.org/interventions/2004-02-06-min.html
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Réunion du 6 février 2004 au ministère de la Recherche

Compte-rendu de la réunion du 6 février 2004 avec C. Haigneré (ministre déléguée à la Recherche) et les directeurs de cabinet.

Dans le cadre de ses entretiens avec l'ensemble des organisations représentatives des personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche, Claudie Haigneré a invité la CJC à la rencontrer le vendredi 6 février 2004.

La CJC a pu aborder un grand nombre de sujets sensibles qui touchent directement les jeunes chercheurs, comme la question de la transformation des libéralités en contrats de travail, la représentation des jeunes chercheurs, l'insertion professionnelle, la reconnaissance du doctorat hors du monde académique, l'emploi scientifique.


Étaient présents pour le ministère :

  • Claudie Haigneré, ministre déléguée à la Recherche et aux Nouvelles Technologies
  • Philippe Braidy, directeur de cabinet de la ministre
  • Jean-François Cervel, directeur adjoint de cabinet de la ministre


Étaient présents pour la CJC :

  • Sylvain Collonge (ADIR), président
  • Ronan Amicel (ADOC), vice président
  • Estelle Durand (BioDocs), vice-présidente
  • Sophie Rapnouil (D2R2), vice-présidente

Au sujet de la communication ministérielle


En introduction, Sylvain Collonge regrette que cette rencontre soit si tardive, et signifie clairement que nous n'étions pas là pour reposer les mêmes questions que celles qui lui avaient déjà été posées (par les syndicats, par le collectif « Sauvons la recherche » et la CJC lors des diverses entrevues du mois de janvier), puisque nous connaissions déjà ses réponses et ses non-réponses.

Au contraire, nous avons des points précis à aborder pour y trouver rapidement des solutions. Mais nous souhaitons tout de même revenir sur certaines déclarations de la ministre, qui ne contribuent pas à renforcer la confiance : par exemple, les déclarations sur l'allocation de recherche.

C. Haigneré explique que le gouvernement précédent n'avait pas bugétisé leur revalorisation. Elle justifie ainsi ses déclarations sur l'inaction du précédent gouvernement sur cette question. Concernant la faiblesse des revalorisations, C. Haigneré se déclare consciente de ce problème : elle précise que lors d'un de ses discours à l'assemblée, elle a choisi de parler d'allocation « décente », alors que ce n'était pas le mot qui avait été préparé pour elle.

Sylvain enchaine sur la « souplesse » au recrutement revendiquée par le ministère à propos des 550 CDD : il explique qu'une proportion de près de 30% de contrats en CDD (voir le communiqué de la CJC du 23 janvier) représente déjà beaucoup de « souplesse » et qu'en ajouter ne semble pas une mesure à même de renforcer l'attractivité.

Les « libéralités » et le travail au noir

Le dossier des libéralités est alors abordé. La transformation de 300 libéralités en salaires en 2004 est présentée par la CJC comme un signe positif et encourageant. La ministre nous précise alors que le ministère a initié ce mouvement après avoir rencontré une association de doctorants à Lyon. Nous lui rappelons alors qu'il s'agissait d'une association membre de la CJC.

Cette initiative sert de transition pour aborder le point essentiel de cette entrevue : le travail au noir des jeunes chercheurs. Un « rapport sur les conditions de travail illégales des jeunes chercheurs » est alors remis à Mme la Ministre. Le rapport est rapidement présenté, puis un exemple concret est développé.

Sophie Rapnouil présente alors les pratiques illégales de l'école des Mines envers les doctorants. Elle décrit en détail l'ensemble des obligations des doctorants envers l'école des Mines, autant d'indices permettant le requalification en contrat de travail. C. Haigneré déclare alors bien sentir l'importance de ce problème, et que le moment est bon pour en parler.

Sophie et Sylvain reprennent : il y a au moins 300 personnes dans cette situation dans les écoles des Mines et le responsable, c'est l'État (ministère de l'Industrie dans ce cas précis). Or, il ne s'agit que d'un exemple parmi une multitude. Dès lors, une solution au cas par cas n'est pas envisageable : il faut résoudre le problème de façon globale. Parmi les pistes de propositions de la CJC, il y a la définition d'un cadre juridique commun aux doctorants qui éviterait ces situations illégales.

J-F. Cervel se lance ensuite dans un historique mettant en valeur les avancées concernant l'évolution de la situation des doctorants depuis 1976 avec la création des Allocations de Recherche, qui étaient auparavant des bourses. Sylvain Collonge saute sur l'occasion : M. Cervel pointe très justement le processus historique de reconnaissance du caractère professionnel du doctorat. Il continue en précisant qu'il faut désormais aller au bout de ce processus.

Nous concluons ce thème en demandant à Mme la Ministre une réaction rapide et forte sur ce problème du travail au noir. La possibilité de plaintes auprès de l'URSSAF par les jeunes chercheurs des Écoles des Mines est évoquée par Ronan...

Le rapport sur les conditions de travail illégales des jeunes chercheurs est désormais disponible dans la section dossiers du site web.

Représentation des jeunes chercheurs

Sylvain entame la discussion autour de la création du collège spécifique et du problème de la représentation des jeunes chercheurs, dont l'absence a justement contribué aux dérives dénoncées aujourd'hui. J-F. Cervel semble parfaitement saisir le problème : il parle même d'un « no man's land » entre étudiants et personnels.

Sylvain et Ronan expliquent l'origine du problème, son évolution jusqu'à aujourd'hui et la nécessité de trancher entre ces 2 grandes catégories pour rassembler les jeunes chercheurs dans la catégorie « personnels ». Les propositions de la CJC à ce sujet sont évidemment évoquées, en particulier son avant-projet de loi portant sur la création d'un sous-collège des personnels, et pour lesquelles l'expression d'une volonté politique forte serait bienvenue.

Écoles Doctorales

C. Haigneré souhaite avoir nos avis sur la formation au sein des écoles doctorales, et si notre formation permet de trouver du travail. Sylvain évoque alors le « mémorandum sur l'évaluation de l'application de la charte des thèses » que la CJC a transmis à la Direction de l'enseignement supérieur. Il insiste sur la nécessité d'une évaluation de la qualité de l'encadrement. L'accréditation des écoles doctorales devrait se faire sur des critères plus précis que ce qui se fait actuellement.

Professionnalisation du doctorat

L'emploi scientifique est ensuite abordé, en particulier la question des débouchés dans les entreprises privées, et plus généralement l'ensemble du tissu socio-économique. L'État devrait contribuer à renforcer ces débouchés, par exemple en prenant en compte les embauches de docteurs pour l'attribution du crédit d'impôt recherche.

Une autre mesure que nous suggérons est la reconnaissance du doctorat dans les conventions collectives et dans la haute fonction publique. Pour ce qui est de la haute fonction publique, J-F. Cervel parle alors des problèmes que cela entraînerait, du fait de la logique d'accès par concours à la fonction publique.

La discussion s'étend à la nécessité de renforcer les passerelles existantes entre les « mondes » universitaire et socio-économique. La ministre se félicite de l'augmentation du nombre de contrats CIFRE. Ronan et Sylvain lui font remarquer que si cette augmentation est sûrement positive, il ne fallait pas qu'elle se fasse au détriment d'autres formes de financements, telles que l'allocation de recherche, car certaines disciplines se retrouvent lésées (notamment les sciences humaines et sociales). L'idée de l'extension du dispositif des CIFRE à d'autres acteurs que les entreprises (administrations, associations, secteur para-public, etc.) est alors développée.

Ronan précise qu'il est difficile pour les jeunes PME de prendre des engagements sur des durées de 3 ans, car elles n'ont pas de projections à si long terme, donc elles ne peuvent pas vraiment prendre de CIFRE. Pour y pallier, on pourrait imaginer de mettre en place des missions plus courtes de conseil, d'expertise, etc. Ceci doit alors s'inscrire dans le cadre d'une collaboration, et non pas d'un stage comme cela a été proposé dans la récente loi sur l'innovation (stage en entreprise de 3 à 6 mois obligatoire pour les doctorants). Ronan fait remarquer qu'en abordant cette question sous l'angle du stage, on part dans le mauvais sens. Il faut s'interroger sur ce que peut apporter le doctorant aux entreprises, et non pas penser uniquement que c'est le doctorant qui va apprendre de l'entreprise. Malheureusement, il n'existe pas de cadre pour ce genre d'interactions à l'heure actuelle. Les clauses de non-cumuls d'activite qui existent actuellement pour beaucoup de contrats (notamment les allocations de recherche) rendent ces échanges impossibles ou très difficiles. C'est un problème général de statut, ou de non-statut selon les cas, mais globalement on constate un blocage.

Sylvain précise que toutes ces mesures visent à valoriser le doctorat : les entreprises ne vont pas s'intéresser à ces doctorants qu'elles connaissent mal si on les lui présente comme des « étudiants attardés » que l'on paye à coups de « bourses » et à qui on conseille de faire des « stages ». Il est donc essentiel que les institutions (et en premier lieu le ministère) se placent dans un vraie démarche de reconnaissance du caractère professionnel du doctorat.

Et après la thèse? insertion, CDD et mobilité

C. Haigneré pose la question de l'insertion après la thèse. Sylvain répond que les jeunes docteurs sont à la recherche de postes stables, d'une embauche précoce. C'est (ou c'était) un point fort du système français, notamment par sa capacité à concurrencer un système américain qui dispose d'une puissance financière supérieure. Cela laisse dubitatif sur l'usage massif du « post-doc », qui précarise le système. La ministre pense que l'on peut essayer de gérer les deux, à la fois l'embauche et le financement.

Ronan recadre le débat : on va actuellement vers la situation où les voies menant à la recherche publique et les autres voies se séparent nettement après le doctorat. En effet, s'orienter vers la « voie post-docs », c'est prendre le risque de ne plus pouvoir revenir vers l'entreprise. D'après la ministre, il faut donc organiser des « sorties » à différents niveaux. C'est aussi l'avis de Sylvain qui explique qu'à cet effet une réflexion plus large sur la recherche est nécessaire.

P. Braidy déplore la situation actuelle et indique que les CDD servent à pallier cette situation en offrant de la « liberté » aux jeunes. Selon lui, les jeunes chercheurs réclament ce « dynamisme », cette « souplesse ».

Ronan dresse alors la liste des problèmes liés à ces CDD : absence de valorisation de carrière, pas d'ancienneté, pas de prime de précarité, etc. Cela conduit les candidats potentiels à une sensation « d'arnaque ». P. Braidy approuve : « je suis d'accord ! ça prouve que le débat est utile. »

C. Haigneré reprend la parole sur les aides au retour qu'il faudrait développer. Sylvain et Ronan lui expliquent qu'il y a plus simple : faciliter la mobilité après recrutement. J-F. Cervel et P. Braidy précisent que cela est déjà possible pour les chercheurs statutaires. Nous confirmons mais en rappelant les difficultés de procédure, et en pointant l'impossibilité de fait dans le cas des postes universitaires. Ronan enchaine pour développer les avantages de cette mobilité négociée et organisée : avantages pour le chercheur recruté en terme de stabilité, avantages pour les laboratoires en terme de collaborations scientifiques durables, avantages enfin pour le système français qui concervent ainsi ses « cerveaux » formés à grand prix sans pour autant se replier sur lui-même.

Fin de l'entrevue

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Ce document (/interventions/2004-02-06-min.html) a été mis à jour le 10 juin 2007

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