cjc.jeunes-chercheurs.org/interventions/2002-colloque15mars.html
Confédération des Étudiants-Chercheurs, Guilde des Doctorants
Ce colloque organisé par le ministère de la Recherche s'est tenu le 15 mars 2002 au Collège de France. Animé par Jean-Louis Caffier, journaliste à LCI, il a débuté par un discours du ministre de la Recherche, suivi du résultat d'une enquête menée sur les conditions de travail des doctorants. Ensuite, deux tables rondes, l'une portant sur la formation doctorale et l'autre sur le statut du doctorant, ont terminé la matinée. L'après-midi se sont tenues deux autres tables rondes, sur l'opportunité de recruter jeune et sur les carrières des docteurs hors de la recherche académique. La journée s'est achevée sur un bilan par M. Joliot, rapporteur du colloque, suivi d'un discours de J.-Y. Le Déaut, député.
Les minutes du colloque sont consultables sur http://www.recherche.gouv.fr/generation-jeunes-chercheurs/minutesjc.htm.
Par Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la Recherche
Le discours du ministre s'articulait autour de quatre points : rajeunissement de la recherche, amélioration de la situation des doctorants, plus grande autonomie des jeunes chercheurs, amélioration des débouchés. Voici un résumé de ce diocours, que vous pouvez retrouver dans les minutes.
Rajeunir la recherche publique
Le ministre rappelle que l'âge moyen des chercheurs augmente tout comme l'âge de recrutement, laissant des jeunes chercheurs en attente. Cette situation préjudiciable à tous doit changer. La décennie qui commence, avec les nombreux départs à la retraite prévus, a conduit à mettre en place un plan de gestion prévisionnelle de l'emploi scientifique, qui permettra de créer des emplois.
Améliorer la situation des doctorants
Un premier point d'amélioration consiste à donner des perspectives d'emploi aux doctorants. Le plan de gestion de l'emploi scientifique devrait y aider, permettant de développer une approche de la carrière scientifique différente de la gestion «à l'américaine». Il donnera d'autres perspectives que celles des séjours post-doctoraux à rallonge, qui actuellement rendent la carrière scientifique inattractive.
Un second point concerne l'allocation de recherche. Après en avoir augmenté le nombre, le gouvernement en a augmenté le montant de 5,5%, ce qui n'est qu'un premier pas. Parallèlement, le nombre de monitorats (rémunération d'heures d'enseignements dont bénéficient certains allocataires) a été augmenté. À terme, tous les allocataires devraient bénéficier d'un monitorat. De la même façon, le nombre de bénéficiaires de CIFRE (Conventions industrielles de formation à la recherche) a augmenté.
Afin d'aller plus loin, une nouvelle allocation de recherche est à l'étude, au sein de laquelle seraient couplées l'activité de recherche et une activité complémentaire (enseignement, consultance, etc.).
Il faut ensuite réfléchir aux autres types de financement, en particulier les bourses de thèse financées par des associations caritatives ou d'autres organismes, afin qu'elles offrent une protection sociale harmonisée.
Les Écoles Doctorales ont aussi un rôle à jouer. Elles ont en effet vocation à encourager la transdisciplinarité, l'ouverture de la recherche, et à aider les doctorants dans la préparation de leur avenir professionnel. Afin de renforcer l'information sur les formations doctorales, le ministère vient de mettre en place un site web : http://www.formation-recherche.info/.
Il faut ensuite clarifier la relation doctorant-directeur de thèse. Si la plupart des encadrants effectuent leur tâche correctement, certains ne consacrent pas suffisamment de temps à leurs doctorants, ou n'ont pas des relations équilibrées avec eux, ou ne reconnaissent pas leur travail à sa juste valeur. Il faut améliorer cette situation.
Enfin, la charte des thèses doit être appliquée, voir clarifiée : nombre maximum de doctorants par directeur de thèse, conditions d'attribution des primes d'encadrement doctoral, procédures de médiation en cas de conflit.
Donner davantage de temps et d'autonomie aux jeunes chercheurs
Cela passe par une réduction des obligations de service des jeunes enseignants-chercheurs, via un système de décharge à mettre en place. D'autre part, il faut encourager les jeunes chercheurs à développer des projets de recherche personnels : c'est le but de l'Action Concertée Incitative Jeunes Chercheurs mise en place par le ministère de la Recherche.
Diversifier les débouchés professionnels
Il faut encourager la mobilité. Cela concerne l'université, l'administration, l'entreprise, et la création d'entreprise. Le plan décennal de gestion de l'emploi scientifique favorise la mobilité entre structures. D'autre part, les docteurs doivent avoir accès aux carrières administratives via une ouverture des emplois d'encadrement supérieur et des corps techniques de l'État. Pour encourager la mobilité vers l'entreprise, plusieurs mécanismes ont été mis en place. Parmi eux, les CIFRE : les doctorants, qui font leur thèse en collaboration avec une entreprise, trouvent ensuite un emploi en entreprise. Enfin, plusieurs dispositifs d'aide à la création d'entreprises innovantes ont été mis en place.
En conclusion : l'innovation et la recherche sont les moteurs de la croissance. Pour donner un nouvel élan à la recherche, la France a besoin de chercheurs, des chercheurs jeunes et créatifs.
Par Stéphane Rozès, directeur de l'institut CSA
Il s'agissait par cette consultation de faire une étude qualitative sur la façon dont les jeunes chercheurs se représentent leur situation actuelle et définissent leurs attentes. Cette enquête a été menée via un questionnaire sur internet ainsi que des entretiens.
La première constatation réside dans le décalage entre l'image que les jeunes chercheurs se font d'eux-mêmes et l'image qu'a d'eux la société ou leurs proches. À une idée du chercheur au service de la société s'oppose la vision du chercheur coupé du monde, ou étudiant attardé. Ce manque de reconnaissance, plus difficile à assumer en début de thèse, n'est néanmoins pas un frein rédhibitoire à l'activité de recherche.
Ensuite, la difficulté du parcours est mise en avant. Il faut accepter de faire une activité qui n'est pas reconnue, au sein d'un système qui s'avère opaque dans son fonctionnement. La bonne relation avec le directeur de thèse est un élément important de la bonne réussite de la thèse dans cet univers un peu particulier.
L'après-thèse est un sujet majeur d'inquiétudes pour les doctorants. Ces derniers, pris dans le quotidien, recherchent l'information auprès de leurs encadrants qui ne répondent pas forcément à leurs attentes, créant un sentiment d'incompréhension.
Les doctorants demandent une reconnaissance de leur travail (augmentation du nombre et du montant des allocations de recherche, moins de précarité) ainsi que des mécanismes de contrôle sur la relation encadrant/encadré comme des procédures de médiation. Enfin, une meilleure information sur les débouchés est souhaitée.
Participants :
Par Ph. Casella, Mission Scientifique Universitaire (MSU).
Il reprend des grands thèmes abordés dans les ateliers préparatoires, en indiquant au préalable que l'objectif des formations doctorales est d'amener les étudiants à soutenir une thèse.
- Durée du doctorat : faut-il imposer une durée maximale ?
Il existe des arguments pour, mais aussi des spécificités (notamment disciplinaires) à prendre en compte.
[Note : cette question est corrélée au statut des jeunes chercheurs.]
L'enquête auprès des Écoles Doctorales montre une distinction entre les sciences humaines et sociales (SHS) et les sciences dites exactes sur la durée des thèses : cinq ans pour les SHS en moyenne, contre trois ou quatre pour les sciences dites exactes. On voit ici l'opposition entre la thèse vue comme un aboutissement personnel et la thèse vue comme une première expérience professionnelle, lors de laquelle la dimension collective est prédominante.
Les ED peuvent être un lieu de régulation au niveau de la durée de la thèse. Un point fait l'unanimité : il ne faut pas faire de partition entre deux types de doctorat : vocation recherche et appliquée.
- Les ED comme structures en devenir ?
Il existe un problème de structuration des ED, notamment un écart entre ambition et réalités. Leur tissu apparaît comme très hétérogène : on passe de la coquille vide à des ED bien structurées. Parfois, leur seul rôle est de distribuer les allocations de recherche (et dans ce cas elles ne servent à rien).
Il est nécessaire de mettre en commun, au sein des ED :
Les ED sont aussi un lieu où l'on peut sortir le doctorant de la relation exclusive avec le directeur de thèse.
P. Léna a la parole en premier et commence par dire que la mise en place des ED est un succès. Il note que leur rôle est de former à la recherche, mais aussi d'aider les doctorants à préparer leur avenir professionnel ; il cite l'expérience du «dernier chapitre de thèse». Il recentre aussi la formation doctorale dans le contexte européen en insistant sur une nécessaire mobilité. Il faut aussi attirer des doctorants étrangers en France.
C. Feuerstein juge lui-aussi que la mise en place des ED est une réussite. Elles permettent des pratiques multidisciplinaires ainsi qu'une meilleure reconnaissance du doctorat par les entreprises. Ces dernières pourraient d'ailleurs être plus associées aux choix de l'ED. Dans ce contexte, le rôle de l'Université consiste à mettre en place une régulation, qui ne doit pas entraver les volontés d'ouverture des ED, vers les entreprises, des réseaux européens, etc.
B. Salles évoque quant à lui la situation particulière de son ED au sein de laquelle l'association de doctorants joue un rôle important. Il insiste ensuite sur la pluralité des thèses suivant les disciplines (il évoque par exemple les SHS pour lesquelles les doctorants auraient en majorité un emploi stable...) et prône donc la mise en place de solutions adaptées et non pas uniques. À son avis, l'un des rôles de l'ED est de veiller au bon déroulement des thèses, comme cela se fait dans son ED toulousaine via la mise en place de tuteurs.
F. Voisin-Demery note que les ED ont un rôle important à jouer dans la formation, mais qu'elles doivent adopter un fonctionnement assez souple pour permettre à chaque doctorant un parcours individualisé. Pour ce qui concerne plus particulièrement la préparation de l'avenir professionnel, elles doivent nouer des liens avec les entreprises, employeurs potentiels de docteurs, sans en faire des prescripteurs de la recherche. Sur la durée des thèses, il faut prendre en compte deux facteurs importants : alors que des disciplines ont su faire évoluer leurs pratiques pour aller vers une thèse en trois ans, certaines n'ont rien changé. D'autre part, certains laboratoires n'ont pas d'intérêt à diminuer la durée des thèses et perdre ainsi une main d'oeuvre bon marché. Enfin, même s'il est très positif que l'ED permette au doctorant de sortir du face-à-face avec son directeur de thèse, ce dernier est quand même l'un des principaux acteurs de la formation doctorale et la qualité de son encadrement est importante : il faut jouer sur l'attribution des primes d'encadrement doctoral pour améliorer cette qualité.
Les questions posées et leur réponse
Q: Quelle utilité sociale des thèses en SHS ? Il s'agit d'une question de quelqu'un qui doute pour son avenir professionnel, par rapport à sa thèse.
P. Casella répond qu'il est convaincu de l'utilité sociale des thèses, mais le problème est que les permanents ne sont pas forcément les plus porteurs de cette conviction. Les doctorants doivent être parties prenantes de ce mouvement.
F. Voisin-Demery précise que l'utilité du doctorat, dans une optique professionnelle, ne vient pas simplement du sujet de thèse, mais surtout des compétences acquises. Plus globalement, la question de l'utilité sociale des thèses pose celle de l'utilité de la recherche et des rapports science/société.
Q: Comment faire accepter aux labos les formations complémentaires ?
B. Salles suggère qu'un des leviers soit lié à l'autorisation de soutenance (donnée par le directeur de l'ED) : elle doit prendre en compte le suivi de formations complémentaires. Cela demande une détermination forte, qui dans son cas a entraîné une évolution des comportements. P. Léna va dans le même sens en soulignant l'importance du rôle des doctorants, qui doivent pousser pour faire pression.
C. Feuerstein souligne l'importance de la détermination du directeur de l'ED et du conseil de l'ED dans le bon déroulement de la thèse. Ils jouent un rôle de régulation dans l'activité du doctorant.
Q: Quel est le statut du directeur d'ED ? Quelle est sa mission ?
Cette question a donné lieu à des développements sur l'intégration des Écoles Doctorales dans l'université. Il a été noté que le directeur de l'ED doit être un chercheur reconnu pour asseoir l'École, ce qui suppose des charges par ailleurs pour ce dernier.
C. Feuerstein note que la relation Ecole Doctorale / Laboratoire / UFR est très floue, l'ED se trouve en quelque sorte à cheval sur les deux dernières structures. D'autre part, le R (Recherche) d'UFR n'a plus beaucoup de sens, car les UFR sont concentrées sur les missions d'enseignement de l'université. Les structures sont difficiles à modifier : la tentative de Grenoble de remodeler les UFR en se basant sur les ED n'a pas abouti.
B. Salles quant à lui insiste sur le rôle de l'Université envers les ED : elle doit fournir des moyens. Il a ainsi refusé que les locaux de l'ED soient situés dans les locaux de laboratoires CNRS, car cette fonction est du ressort de l'Université.
F. Voisin-Demery souligne que le « cumul des mandats » des directeurs d'ED pose la question des moyens humains accordés aux ED : la mise en place ambitieuse des ED ne peut se faire que s'il y a des personnes pour agir concrètement. Cela pose aussi le problème de la reconnaissance des tâches accomplies pour l'ED par ceux qui les effectuent.
Q : Rôle des ED dans la distribution des allocations de recherche, comment éviter les dérives du mandarinat ?
P. Léna explique que les ED doivent mettre en place des bonnes pratiques de distribution. Dans son cas, l'ED favorise les jeunes chercheurs en leur attribuant les allocations.
F. Voisin-Demery souligne la nécessité de casser cette dichotomie : les ED sont focalisées sur les allocations, alors qu'elles pourraient jouer un rôle de mutualisation d'information sur les autres financements qui existent, ce qui permettrait de lutter contre le phénomène.
Les directeurs d'ED se justifient plus ou moins en disant que leurs ED accueillent des doctorants financés par autre chose que des allocations de recherche et que cette « solution » ne lutte pas contre les mauvaises pratiques au niveau des allocations. B. Salles signale la nécessité d'ouvrir les allocation à la mobilité, idée reprise par C. Feuerstein. Cela se fait souvent via les allocations fléchées qui sont ouvertes à la mobilité.
Par comparaison avec les ateliers préparatoires, cette table-ronde était plutôt consensuelle. On remarque néanmoins que les intervenants ne voient bien souvent le problèmes des Écoles Doctorales qu'à travers leur propre expérience. Ainsi, la réussite des ED ne correspond pas du tout à la pratique de nombre de doctorants. Néanmoins, tout le monde a bien mis en avant un aspect important des ED, qui est celui de favoriser les contacts, entre doctorants, chercheurs, etc. Ce point est particulièrement important en SHS, ce qui n'a pas été trop mis en avant le 15 mars par absence relative de personnes concernées, mais avait été bien traité lors des ateliers préparatoires.
Sinon, quelques notes a posteriori. L'intérêt des formations complémentaires est, entre autres, de former le doctorant à la recherche. Suivre une formation, c'est aller vers une amélioration de son travail de chercheur, une plus grande qualité de la recherche. Les laboratoires ne sont-ils pas sensibles à cet argument ? Il est aussi regrettable qu'ils ne se sentent pas plus responsables du futur des doctorants. Cela participe vraiment de la vision : doctorant = main d'oeuvre bon marché.
Au sujet des allocations de recherche : les ED ne conçoivent leur rôle dans le financement que via les allocations. Pour mettre en place des bonnes pratiques d'attribution, il faut des gens de bonne volonté à la direction des ED. Or si des pratiques mandarinales d'attribution existent, c'est bien parce que l'ED les cautionne : comment mettre en place les bonnes pratiques dans ce cas ? Bref, on n'avance pas...
Enfin, nombre de questions n'ont pas été posées :
- Problème du respect de la Charte des Thèses, poids du directeur de thèse (publications, information, ouverture scientifique), voir une question SHS sur le sujet et responsabilité du directeur de l'ED.
- Comment ouvrir les ED ? Résoudre les problèmes de cloisonnement entre chapelles (laboratoires et DEA). Question souvent soulevée : le positionnement des sciences de l'homme au niveau des formations doctorales, des EPST (CNRS par ex.) et du fonctionnement et de l'ouverture des ED sur le monde autre qu'universitaire. Question reliée : celle de l'intérêt des formations posée à propos des «cours».
- Note CEC/GDD sur le paysage associatif
- Difficultés en SHS : financement et statut social. Place des SHS dans la société.
Intervenants :
Par S. Srodogora.
S. Srodogora évoque la charte des thèses et constate que ses recommandations restent trop souvent lettre morte. Il en va ainsi du financement : nombre de doctorants sont non-financés, en particulier dans les disciplines de SHS (nombreux cas dans les ateliers préparatoires). La diversité des financements est aussi problématique. La reconnaissance du doctorant au sein du système est elle-aussi difficile. Enfin, il y a les problèmes d'encadrement (limitation du nombre de doctorants par encadrant, procédures de médiation).
M. Guillou décrit les conditions des doctorants à l'INRA, qui sont tous financés. Il existe une limitation du nombre de doctorants par encadrant : un à deux dans les faits, limités de toutes façon à trois, avec un potentiel de 1 000 environ. Un travail important est effectué sur les binômes doctorant et encadrant par la mise en pratique de techniques de gestion de projet. Cela permet de voir comment passer du sujet au projet concret. Ce travail s'étale tout au long de la thèse de manière à aborder les problèmes de la définition du sujet, le projet lui-même, et enfin la valorisation. Cette démarche a un impact très positif non seulement pour le doctorant mais aussi, sur le plan scientifique, pour l'encadrant. Un guide des bonnes pratiques d'encadrement est en cours de mise au point.
Ce type de programme a aussi été mis en place en Angleterre dans le BBSRC. Les encadrants sont préparés et doivent obtenir un certificat de qualité pour obtenir par la suite des financements de doctorants.
M. Laurent parle de la double situation du doctorant, à la fois en formation et en situation professionnelle. Il évoque la grande hétérogénéité des situations : les ratios de financement État versus le reste dépendent en fait des disciplines et cela varie de 70 à 30 %, ou même jusqu'à des cas de faible taux de financement : 10 % de financement initial en sciences économiques.
Il soulève le problème du positionnement des ED dans les universités : elles n'ont pas les moyens, actuellement, de leurs ambitions. On ne résoudra pas ce problème en basculant les moyens des UFR sur les ED. Il faut que ces dernières restent focalisées sur les problèmes des doctorants.
N. Legrand prend ensuite la parole. Il insiste sur le caractère professionnel du doctorat, qui est une activité de recherche dans le cadre d'une formation. Il s'agit d'un point important car l'image d'étudiants des doctorants est problématique, notamment pour leur reconnaissance dans les laboratoires. Il trace un historique de la revendication post-rapport HotDocs qui contenait l'idée du Contrat de Thèse (CdT). Le CdT est devenu la Charte des Thèses en 1998.
Il aborde les problèmes d'encadrement (sur-encadrement, etc.), et les rapports parfois inquiétants entre directeur de thèse et doctorant. L'attribution des primes d'encadrement doctoral doit être utilisée comme un levier pour améliorer la qualité de l'encadrement. D'autre part se pose la question de comment sortir de ce face-à-face narcissique. Il faut des procédures de médiation et une demande forte du respect de la charte des thèses, ce qui est du ressort de l'État. Pour ce qui concerne plus spécifiquement les sciences de l'Homme et de la Société, N. Legrand rapporte que la demande prioritaire des doctorants concerne les structures (existence de locaux réels, etc.).
Se posent ensuite les questions de la reconnaissance du doctorant : tout d'abord au sein de l'équipe de recherche, ce qui entraîne des blocages concrets dans la vie quotidienne, mais aussi au niveau national. La CEC demande ainsi la création d'un collège spécifique au CNESER.
Il rappelle enfin les dernières évolutions des financements de type allocation et monitorat (demande d'une revalorisation et indexation) et pose les problèmes : il y a un éclatement des statuts hors allocation-BDI-CIFRE. En particulier, les financements d'organismes caritatifs n'étant pas des salaires, ils ne permettent pas de bénéficier d'un certain nombre de droits sociaux. Ces bourses devraient faire l'objet de contrat de travail avec un salaire associé, l'employeur étant l'établissement ou une agence de mutualisation (sur le modèle de l'ANRT pour les CIFRE).
Il faut un engagement fort du ministère pour sanctionner les abus. Un bilan sur l'application de la charte des thèses est demandé, ainsi que l'établissement de normes quant au nombre de doctorants par encadrant. Il serait nécessaire aussi de faire des études plus poussées sur les abandons en cours de thèse.
Q: M. Kissler (CGT) soulève la question du statut du doctorant, des salaires et d'une agence de mutualisation des financements, qui avaient déjà été soulevées lors de tables rondes en 1997.
M. Lucas répond que la poursuite des discussions entre l'ARC et les organisations syndicales avaient débouché sur des montants de 1200 euros / mois (bourses d'études) et 1700 euros / mois (post-docs). Cela aurait un coût de 9M d'euros, bien trop élevé. Le journaliste lui pose le problème des droits à la protection sociale. M. Lucas estime que l'ARC n'est pas redevable de charges sociales (de fait, il n'est pas l'employeur) et/ou que cela entraînerait des coûts supplémentaires. On pourrait cependant imaginer que les associations donnent une enveloppe globale aux labos qui se chargeraient de faire les contrats.
N. Legrand suggère de privilégier les formules de mutualisation. L'ARC serait disposée à contribuer à un fond de mutualisation.
P. Fridenson suggère de s'inspirer de la convention collective des ONG sur ce sujet.
P. Assouline prend la parole et expose les actions de la Mairie de Paris pour les étudiants notamment en ce qui concerne le logement. Il existe aussi le projet d'un pavillon de Paris destiné à la recherche et aux nouvelles technologies ainsi qu'un projet de «bourses» (sic) de recherche. Il mentionne aussi des aides à la mobilité.
Q: Quels financements pour les doctorants étrangers ?
Quelques rares réponses à cette question. P. Assouline dit que la ville de Paris a un rôle à jouer, via un projet de plateforme d'accueil des étudiants étrangers mis en place avec tous les organismes concernés.
N. Legrand propose un système d'allocation complémentaire par rapport aux financements des pays d'origine, ce qui existe déjà à l'INRA.
S. Srodogora donne la parole à Y. Fau (MSU) dans la salle, qui rappelle que les conditions d'accès à l'allocation ont été assouplies (ouverture pour les européens, les autres étrangers devant avoir le DEA passé en France). Il y a eu environ 300 allocataires étrangers en 2000, à comparer aux 3 000 doctorants étrangers.
Q : Quelles solutions aux problèmes particuliers des doctorants en SHS ?
P. Fridenson prend la parole. Il évoque l'enseignement supérieur et demande un bilan et une réforme des CIES, ainsi qu'une clarification des rapports CIES et ED.
Il existe en SHS une grande variété dans la potentialité de débouchés dans le monde socio-économique. Il faut distinguer les formations continues des formations initiales. Pour ceux en formation continue, il faudrait améliorer les choses. Il note que les enseignants du second degré perdent quand ils passent en détachement sur des allocations de recherche.
D'autre part, les frais de la recherche sont très souvent à la charge des doctorants. Il parle aussi des problèmes d'encadrement et de celui de la concentration géographique des thèses.
La solution doit venir des universités, les problèmes être traités localement. Il faut une pression locale et une pression nationale pour faire évoluer le système, sans toucher à l'autonomie des universités.
Il demande une thèse en SHS qui soit sur 3 ou 4 ans et s'oppose à un allongement de la durée des thèses. Il souligne le retard des SHS dans ce domaine.
J.-L. Caffier s'interroge sur les spécificités de ces problèmes aux sciences humaines et sociales.
Pour P. Fridenson, le mandarinat est une première explication, mais insuffisante car il existe aussi dans d'autres disciplines. L'absence de locaux, et donc des conditions de travail déplorables, sont aussi mises en cause.
Q : Comment faire appliquer la charte des thèses ?
N. Legrand demande si l'inspection générale de l'administration pourrait se charger de l'évaluation de l'application de la charte des thèses. S. Srodogora répond qu'elle relève effectivement des prérogatives de l'inspection générale de l'administration de l'Éducation Nationale et de la Recherche, qui doit être saisie par le ministre. C'est aussi aux universités de faire respecter le texte, en liaison avec l'État via les contrats quadriennaux.
Une personne de la salle évoque l'impossibilité d'imposer la charte des thèses via des recours juridiques. Une discussion sur la valeur contractuelle de la charte et le problème de la loi de 19841 s'en suit. Il en ressort que le chef d'établissement a des moyens de pression pour imposer la charte (il nomme les jurys de thèse), de même que les ED qui doivent prendre leur responsabilité en la matière. D'autre part, l'absence de recours juridique n'empêche pas les structures de mettre en place des moyens incitatifs pour faire appliquer la charte (attribution des allocations, politique générale des laboratoires, etc.)
Participants :
Par Henri-Édouard Audier, membre du Conseil d'administration du CNRS
La restitution commence par un état des lieux. La moitié des chercheurs va être à remplacer en une dizaine d'année. Comment recruter dans ce cadre ? Il faut enrayer le vieillissement du recrutement, car cela va empêcher de recruter les meilleurs. Ce vieillisement est dû à une baisse drastique du nombre de recrutements entre 1993 et 1997, à l'allongement de la durée des thèses, aux post-docs généralisés et aux limites d'âge pernicieuses : censées fixer un âge maximum pour le recrutement, elles fixent dans les faits un âge moyen car les chercheurs sont toujours recrutés à un âge proche de l'âge maximum.
Il faut recruter jeune car il sera à terme impossible de recruter à un salaire de débutant des chercheurs ayant dépassé la trentaine. Il est aussi de la responsabilité du système de ne pas pousser les jeunes chercheurs dans des voies sans issue : quelle reconversion pour les chercheurs non-recrutés quand ils ont plus de 30 ans ?
Les solutions : rétablir une voie de recrutement pour les jeunes en CR2, en abaissant les limites d'âge actuelles (avec période transitoire), redéfinir le niveau d'entrée en CR1, qui correspond au CR2 actuel (double-cursus, origines diverses). Il faut raccourcir la période entre la fin de thèse et le recrutement et mettre en place des contrats de recherche à durée déterminée avec mobilité obligatoire pour gérer la période entre fin de thèse et recrutement.
Pour les universités : il n'y a pas de limite d'âge, mais l'abaissement des limites dans les organismes auraient un effet sur les universités, ainsi que l'harmonisation des critères. Il faut revoir les ATER et séparer ATER-thèse et ATER-post-thèse, ces derniers ayant une charge d'enseignement réduite et un vrai projet de recherche.
Il faut revoir le post-doc actuel : garder le contact avec un laboratoire en France, réserver le post-doc à ceux qui se destinent aux concours publics.
Enfin, l'attractivité vient aussi des salaires à revaloriser, et des conditions de travail : donner peu à peu des responsabilités. La recherche mériterait de faire l'objet d'une loi de programmation.
H. Serne se dit lui-aussi hostile aux post-docs à rallonge qui renforcent la précarité. Il propose de faire bénéficier les jeunes maîtres de conférence de décharges de service pour qu'ils puissent consacrer plus de temps à la recherche. Enfin, la généralisation du monitorat lui paraît aller contre un raccourcissement de la durée des thèses.
Michel Mudry évoque le cas des universités qui accueillent 75% des enseignants-chercheurs. Il estime qu'il y a une coupure trop importante entre les chercheurs qui ne font pas d'enseignement et les enseignants-chercheurs. Il se prononce pour une réduction des charges d'enseignements des enseignants-chercheurs en faisant intervenir les chercheurs à l'université. C'est financièrement une bonne idée, et recherche ne doit pas aller sans enseignement.
C. Bréchot estime qu'il faut réfléchir à nos procédures de recrutement dans un contexte européen. Il faut un statut du post-doc. D'autre part, on ne peut pas établir des règles fixes : chaque organisme a sa spécificité. À l'INSERM, la nécessité de recruter des médecins a inversé les postes offerts CR1/CR2 au profit des premiers, mais ce n'est pas incompatible avec un recrutement jeune pour les non-médecins.
Daniel Louvard estime qu'il faut sortir du système actuel qui cumule tous les défauts. Il faut s'interroger sur les missions des chercheurs à recruter : les procédures actuelles ne prennent pas en compte les capacité à manager, à gérer de projets de recherche, alors que ce sont les missions des chercheurs qui seront recrutés. Il s'élève contre le peu de mobilité des recrutements (recrutement dans le laboratoire de thèse) et estime que la mobilité devrait être obligatoire.
Jean-Claude Beloeil se félicite que l'on parle des niveaux de rémunération car de plus en plus de personnes recrutées refusent finalement les postes, par manque d'attractivité de ces derniers. Il se prononce pour un rajeunissement des recrutements qui doit aller de pair avec une redéfinition des critères de sélection. Quant au lien recherche-enseignement : beaucoup de chercheurs enseignent, mais seulement en troisième cycle. Il faudrait qu'ils puissent enseigner à des niveaux moins élevés.
Pascal Degiovanni se pose la question de l'adéquation des métiers de la recherche tels qu'ils devraient être (au regard de la concurrence internationale) à la réalité de ces métiers, telle qu'elle est vécue en France : les conditions de travail ne sont pas adaptées à la recherche d'aujourd'hui. Il faut revoir complètement l'offre des emplois dans la recherche et avoir ainsi une pratique cohérente, à la fois pour éviter de mettre en place un système de thèses à deux vitesses, et pour jouer un rôle majeur dans l'espace européen de la recherche. Il faudrait systématiser la notion de «package d'emplois» (poste + crédits) correspondant aux différents niveaux de qualification. Cela nécessite des nouvelles pratiques de recrutement, avec une bonne sélection des dossiers et des auditions approfondies.
Geneviève Berger tient à ne pas remettre en cause le recrutement à vie, tel qu'il est effectué actuellement : les chercheurs confirmés sont nécessaires, mais il faut envisager plusieurs carrières au sein d'une vie (recherche, enseignement, valorisation, ...). Elle se prononce pour un recrutement jeune, qui ne doit pas empêcher de recruter aussi des chercheurs confirmés. Quant au stage post-doctoral, ill est enrichissant mais ne doit pas être obligatoirement effectué après la thèse. Tout dépend du projet de chacun.
Ketty Schwartz va aussi dans le sens d'un recrutement jeune, d'une nécessaire mobilité et d'une revalorisation des salaires. Elle se pose ensuite la question de la place des femmes au sein du dispositif de recherche, place qui n'est pas aussi importante qu'elle pourrait l'être. Il faut leur donner la possibilité d'avoir une réelle progression, ce qu'un recrutement jeune ne peut que favoriser. Les procédures de recrutement sont à améliorer, ainsi que l'encadrement des doctorants.
Q : On parle beaucoup de recrutement jeune, mais on n'évoque jamais la sortie jeune ? Pourquoi recruter à vie ?
G. Berger insiste sur l'apport des chercheurs confirmés dans les laboratoires, sources de richesse.
Q : De nombreux docteurs recrutés dans les laboratoires publics le sont dans leur laboratoire de thèse. Ne devrait-on pas obliger à la mobilité ?
M. Mudry met en cause le fonctionnement du système : l'évaluation est difficile et vu le calendrier, les universités n'ont pas le temps nécessaire pour procéder correctement au recrutement et donc recrutent localement.
K. Schwartz parle de pratiques ancrées dans les mentalités à changer. Si le recrutement local est compréhensible, il prive le laboratoire d'un apport extérieur bienvenu.
P. Degiovanni évoque la machine à profils développée par la GDD. Les universités pourraient y afficher les postes potentiels plus tôt, ce qu'elles ne font pas. Elles se calent sur le calendrier, alors que d'autres pratiques sont possibles, comme la définition des profils avant la publication des postes.
C. Bréchot met l'accent sur la nécessité d'un affichage clair des postes au niveau international. Cela demande un effort des organismes, des ambassades, etc. D'autre part, il faut modifier les critères de recrutement, ce qui demande plus de moyens. Enfin, les offres doivent être attractives : le recrutement à vie doit ouvrir à une carrière offrant des missions variées.
Pour H-.E. Audier, le problème vient surtout des instance de recrutement qui sont trop locales et ne comportent pas assez d'extérieurs. M. Mudry acquiesce, et met en cause les textes réglementaires qui ne permettent pas de changer cet état de fait.
Q : Peut-on sérieusement recruter un chercheur à vie sur la base d'une audition de 30 minutes ?
K. Schwartz reconnaît que c'est nettement insuffisant. Néanmoins, il ne faut pas oublier le travail en amont des commissions, sur les dossiers. Elle va aussi dans le sens de C. Bréchot quant à l'information des post-doctorants à l'étranger sur les postes à pourvoir en France et évoque le travail effectué auprès des ambassades. Des financements d'aide au retour devraient aussi être mis en place.
Q : Quels débouchés dans l'enseignement et dans la recherche pour les docteurs avec des compétences interdisciplinaires ?
G. Berger explique la politique du CNRS en la matière : 20% des postes sont fléchés sur des profils interdisciplinaires et des commissions interdisciplinaires sont mises en place. Au niveau des structures, il s'agit de favoriser les projets aux interfaces. Les programmes interdisciplinaires vont eux-aussi s'amplifier.
Q : Quelle aide pour les post-docs entre le retour et le recutement ?
H.-E. Audier évoque la responsabilité du laboratoire qui pourrait prolonger le post-doc le temps du recutement. Un autre intervenant reprend une proposition de l'atelier préparatoire, qui serait de financer des post-docs français de courte durée (un ou deux ans).
Tous les intervenants sont allés dans le sens d'un recrutement jeune. De toutes façons, il aurait été difficile de soutenir une thèse radicalement différente à un forum sur les jeunes chercheurs, mais on sent bien quelques réticences. Le fait que beaucoup d'acteurs de la recherche aient conscience du problème est déjà quelque chose.
Les réflexions sur les procédures de recrutement sont intéressantes, on voit bien ce qui serait à changer ou non. Malgré la bonne volonté de tous les intervenants, ces derniers ont bien mis en avant les freins qui empêchent le système de fonctionner correctement. Quand ils résident dans le fonctionnement même des organismes, difficile d'aller au-delà du constat et de mettre en oeuvre des solutions pertinentes.
Participants :
Pour C. Bec, l'idée consiste à valoriser la thèse comme expérience professionnelle. Il faut un dispositif d'accompagnement des doctorants : formations complémentaires de divers types, du cours à la simulation d'embauche. Il est aussi important que plusieurs anciens docteurs témoignent dans les universités pour donner une image juste du secteur privé (pas trop idyllique). Elle évoque aussi l'expérience du «dernier chapitre de la thèse» lancée par l'ABG, qui consiste pour le futur docteur à rédiger un document qui lui permet de faire un bilan sur son expérience doctorale.
Il existe des difficultés à la mise en oeuvre de ces programmes, en particulier la participation faible des directeurs de thèse aux actions de sensibilisation à l'insertion profesionnelle. Cela se voit aussi au niveau des Doctoriales®. Des «professoriales» existent parfois dans l'espoir de mieux préparer les encadrants. Les actions de professionnalisation sont en général bien appréciées par les doctorants.
Elle insiste aussi sur l'importance des motivations qui poussent un doctorant vers la formation doctorale, et sur les différences disciplinaires, ou plus largement d'expérience doctorale, qui influent ensuite sur la façon dont le jeune docteur met en avant ses compétences face à un recuteur.
Le recrutement des docteurs dans le secteur privé semble dominé par les ingénieurs (rapport du commissariat au plan). Néanmoins, une étude faite par l'ANRT montre qu'il y a des universitaires «pur jus» recrutés après leur thèse dans les grandes entreprises mais sur des fonctions de recherche pointues. Ces fonctions se répartissent par moitié entre ingénieurs et universitaires.
M. Régis nous fait part de son expérience. Entre la fin de son doctorat et les concours de recrutement maître de conférence, elle a travaillé pour une société au Canada. Retenue pour un poste MCF, elle a préféré décliner l'offre pour continuer à travailler pour cette société, mais en France. Elle conseille aux jeunes docteurs de ne pas se focaliser sur le secteur académique si ils n'y ont aucun poste en vue.
S. Démarquette présente la situation de la R & D chez L'Oréal, qui compte 200 docteurs (sur 2 700 personnes dans la R&D) et où le recrutement est pluridisciplinaire. Il soulève le problème du peu de lisibilité du diplôme de docteur, pour lequel l'absence de «labels» entraîne une lecture difficile.
Le processus de recrutement est basé sur le triptyque ``Compétences / Aptitudes / Motivation'', ce qui offre une grille de lecture du recrutement pour la population doctorale. Les compétences sont liées à la formation, qui doit être reconnaissable par le recruteur : université, ED, autre, pour un doctorat, d'où l'importance de la lisibilité du diplôme. Les aptitudes se définissent par rapport à l'expérience de la thèse : déroulement, contexte, etc. Enfin, la motivation doit, entre autres, refléter une logique du parcours de formation par rapport à la carrière envisagée.
J.M. Lasry commence par présenter le Crédit Agricole Indosuez et indique qu'actuellement, en France, il y a environ 2 à 3 % de docteurs dans les services d'investissement des grandes banques de marché.
Pour lui, il y a trois raisons qui peuvent pousser une entreprise à embaucher des docteurs :
L. Baumstark partage son parcours personnel : à l'issue de son doctorat, il pouvait soit rester dans son laboratoire pour un hypothétique recrutement, soit accepter un contrat de trois ans au Commissariat Général au Plan, ce qu'il a fait. Au bout de quatre ans, il s'est heurté à la dure réalité de la haute administration dans laquelle il est difficile de faire carrière sans être passé par l'ENA ou les grands corps. Il est donc revenu vers le secteur académique, sur un poste de maître de conférence.
Il plaide pour des possibilités d'aller et retour entre universités et d'autres secteurs, car cela est extrêmement enrichissant. Il souligne le bénéfice pour l'université de son parcours passant par le commissariat au plan, ne serait ce qu'en terme de développement de son réseau personnel.
Pour lui, la thèse n'est qu'un élément de la formation doctorale. Il faut faire du temps de la thèse une véritable expérience professionnelle. C'est possible 1) en offrant un cadre de responsabilité aux doctorants : il faut viser à leur meilleurs intégration dans le fonctionnement des laboratoires (voir le système fonctionner de l'intérieur) et 2) en ouvrant les laboratoires sur la demande sociale : cela ouvre la perspective d'une remise des SHS dans une optique nouvelle où les disciplines traditionnelles jouent les rôles de grands instruments permettant d'accéder à une réalité passée et de la décoder. Cette démarche qualitative et d'ouverture permet d'augmenter les opportunités d'emploi et d'accélerer la constitution du projet professionnel.
Il faut aussi multiplier les passerelles entre temps d'activité diversifiées : expertise au niveau national et international, enseignement universitaire, recherche ici ou ailleurs. Mais il a le sentiment que l'administration a du mal à favoriser ces passages.
Enfin au sujet de la précarité : il faut dépasser l'angoisse qu'elle génère et adopter une démarche active pour se donner les moyens de choisir.
Paule Biaudet commence son intervention en soulignant la prise de conscience de ces dernières années quant à l'avenir des doctorants. Elle annonce la création d'une maison des ED sur Paris 6 qui a pour but de fournir un lieu de rencontre pour les doctorants entre eux, mais aussi des doctorants et encadrants avec le monde extérieur.
Elle souligne aussi la pertinence des compétences développées pendant la thèse qui sont appréciées par les employeurs. La démarche de projet est avant tout une démarche personnelle. Il faut non pas voir ce dernier comme une sorte de passage obligé un peu ennuyeux, mais comme un véritable aboutissement d'une longue démarche personnelle et volontaire.
L'objectif des formations complémentaires dans cette optique est d'être un outil pour ouvrir l'esprit du doctorant à d'autres environnements, d'autres préoccupations et d'autres méthodes.
Elle met l'accent sur la corrélation entre la motivation et l'employabilité (quand on sait ce qu'on veut vraiment, on le trouve). Ainsi, ceux qui occupent des fonctions hors R&D ont découvert leurs envies profondes. C'est comme cela que l'on peut plus facilement trouver des possibilités nouvelles d'emploi.
Q : Quels sont les champs d'activité pour les CIFRE ?
C. Bec explique que toutes les disciplines sont dorénavant concernées, en particulier les SHS. Les restrictions portent sur les entreprises, qui doivent être de droit français.
Q : Quid des stages doctoraux en entreprise ?
S. Demarquette explique que les ingénieurs ont un avantage par rapport aux DEA et docteurs grâce à leur stage de fin d'études : les doctorants devraient donc faire des stages. P. Biaudet pose la question de l'évaluation de l'apport de ce type de stages.
Q : Ouverture des corps techniques de l'État aux docteurs?
Il n'y a pas de réponse car le préfet délégué interministériel à la réforme de l'État n'est pas là.
Q : Sur le dernier chapitre de la thèse : est-ce une bonne idée que d'intégrer un bilan de compétence au manuscrit de thèse ?
Une rectification a lieu sur l'appellation «bilan de compétences» qui est inadaptée car répondant à une définition stricte définie par le droit du travail. Une intervention de la salle précise la question en posant le problème du mélange des genre entre production scientifique (la thèse) et réflexion personnelle sur l'expérience doctorale (le dernier chapitre).
Un autre intervenant répond que le dernier chapitre de la thèse peut être vu comme une caractérisation des compétences et techniques scientifiques (ce qui justifierait son insertion dans le manuscrit ?).
L'absence de personnes compétentes sur la question n'a pas permis de discuter plus efficacement sur le sujet.
Q : Est-ce qu'il n'est problématique que tout l'argent destiné à l'insertion professionnelle des docteurs aille à destination de l'ABG ?
Une personne du ministère répond qu'il ne s'agit pas de tout, mais de la moitié. La question a néanmoins jeté un froid certain.
Cette table-ronde était d'un intérêt relatif. Tout d'abord, il y manquait des intervenants susceptibles de répondre à certaines questions précises (ABG et le dernier chapitre de thèse, les docteurs dans l'administration). Mais cette table-ronde illustre finalement assez bien le problème que les docteurs peuvent rencontrer lorsqu'ils cherchent à intégrer l'entreprise : il n'y a pas une vision de la place des docteurs dans l'entreprise, il y en a plusieurs. En effet, les interventions de S. Demarquette et de J.-M. Lasry dénotent une approche assez différente de la place du docteur au sein de leurs entreprises ou des critères de recrutement. On a une approche par métacompétences qui est typique d'une approche à l'américaine chez le Crédit Agricole Indosuez, très différente de l'approche de L'Oréal.
Par Pierre Joliot.
Pierre Joliot reprend l'ensemble des points importants qui ont été abordés au cours de la journée de façon à dresser un bilan. Tout d'abord, la thèse n'est pas qu'un travail destiné à la recherche, elle permet aussi d'ouvrir de nombreuses autres portes. La formation par la recherche doit néanmoins permettre d'apprendre à créer de la connaissance. P. Joliot regrette la pression qui s'exerce sur les doctorants et leurs encadrants pris dans une course aux résultats qui ne permet pas un travail en toute liberté, susceptible par exemple de ne pas aboutir.
La charte des thèses est un texte important, car elle fixe des règles déontologiques souples. Les Écoles Doctorales sont elles-aussi des structures importantes même si leur mise en place est encore chaotique. Leur rôle dans l'attribution des allocations de recherche est essentiel, il faut donc qu'elles le remplissent avec sérieux. D'ailleurs, le nombre et le montant des allocations sont insuffisants. Quant aux autres financements, P. Joliot recommande d'étudier rapidement la façon dont on pourrait en faire de véritables contrats de travail. Il est normal que les doctorants demandent une certaine reconnaissance (notamment au niveau des droits sociaux) pour leur rôle dans la production scientifique. Sur le sujet de l'encadrement des thèses, P. Joliot ne méconnaît pas les différences de pratiques disciplinaires, mais il plaide pour une limitation de nombre de doctorants par encadrant.
Quant au recrutement jeune, il est loin de faire l'unanimité. En sciences de la vie, le stage post-doctoral est la règle. Un système de recrutement pas trop rigide, à plusieurs niveaux d'entrée est donc souhaitable. Il faut aussi que le recrutement ne soit pas trop tardif, afin d'éviter que les jeunes chercheurs non recrutés ne soient laissés sur le carreau.
Enfin, P. Joliot s'étonne du consensus qui a plané sur tout le colloque. Il ne doit pas cacher le fait que les évolutions se feront lentement. Néanmoins, ce colloque a vu émerger de nombreuses propositions qu'il conviendrait de mettre en oeuvre rapidement.
Commentaires
La remarque de P. Joliot sur la course aux résultats est assez juste et paraît liée à une confusion qui tend à se répandre entre recherche et innovation. Autant un résultat en négatif a un intérêt pour la recherche, il participe à la création des connaissances, autant il est inutile dans une optique d'innovation, c'est-à-dire de valorisation industrielle des résultats de la recherche. Or, c'est aujourd'hui cette dernière vision qui prévaut trop souvent, aux dépens d'une approche plus créative, plus fondamentale et sans doute plus ambitieuse.
Les tables rondes du 15 mars ont été précédées d'ateliers préparatoires le 13 mars. Dans l'ensemble, l'organisation était quelque peu cafouilleuse (pas de rapporteur désigné ou désigné quelques heures avant, horaires mal définis, etc.). En moyenne 25 à 50 % des gens convoqués ne sont pas venus, et il est dommage que de nombreux intervenants du 15 mars ne fussent pas présents lors de ces ateliers.
On a pu noter une certaine tendance au consensus dans pratiquement toutes les tables rondes (sauf 1), ce qui était assez étonnant.
Participants :
Frédérique et Fabienne sont arrivées un peu en retard, mais le débat n'avait pas réellement commencé. Il n'y a pas eu de tour de table de présentation, d'où le flou sur l'identité des participants.
Deux grands sujets ont été abordés au cours de la table ronde, ainsi que d'autre points divers :
Chacun constate que les ED ne sont pas encore entrées dans les moeurs, qu'il s'agisse des laboratoires, qu'elles ont pourtant vocation à fédérer et qui n'ont pas été associés à leur mise en place, ou les doctorants, premiers concernés par les formations qu'elles sont censées leur offrir et qui connaissent à peine leur existence. Un tour de table des doctorants (au cours duquel Fabienne rappelle le rôle de chercheur du doctorant et récuse l'appellation d'étudiants que tout le monde a utilisé jusque-là) a permis d'avoir un aperçu des pratiques, mais il est difficile d'en déduire ce qui permet à une ED de fonctionner correctement. ED nouvelle/ED créée sur une ED ancienne, Paris/Province, ED de site/ED thématique, les exemples et contre-exemples de ce qui fonctionne ou pas abondent.
La question des moyens (financiers et humains) est un pré-requis à un bon fonctionnement. La MSU signale que les ED reçoivent en moyenne 140KF/an (à moduler suivant le nombre de doctorants), les moyens humains devant venir de l'université. Une prise en compte des ED au niveau de l'université est souhaitable, afin de mutualiser les expériences et d'en déduire les pratiques qui marchent.
Les formations offertes sont aussi problématiques. Déjà, quelles formations ? Il nous semble que ces formations doivent 1) aider à la recherche (formation disciplinaire, ou plus larges comme les langues ou la communication scientifique) et 2) préparer à l'après-thèse. Problème : dans les faits, elles ne prennent pas en compte la diversité des doctorants : diversité des thèmes de recherche et des disciplines (problèmes de formations inexistantes pour les disciplines minoritaires d'une ED par exemple), diversité des projets professionnels. Ou alors elles sont inexistantes...
Comme l'ont fait remarquer plusieurs intervenants, un point très positif des ED est qu'elles permettent des pratiques nouvelles dans les disciplines de SHS car elles peuvent devenir un lieu de rencontre et d'échange et pallier le manque de structures de type laboratoire.
Ceci dit, l'idée des formations pendant la thèse semble incompatible à certains avec la durée limitée des thèses : le temps de formation, c'est autant de moins pour la recherche.
La table ronde a ensuite abordé le thème de la durée des thèses. La durée recommandée (3 ans) étant le plus souvent dépassée, les fins de thèses se font dans des conditions d'extrême précarité d'où la nécessité davoir des financements de fin de thèse ; d'autre part, cela crée des difficultés pour une poursuite de carrière en entreprise, débouchés d'une majorité de docteurs.
Plusieurs chercheurs séniors ont fait remarquer que les différences sont disciplinaires (certains prônent des textes discipline par discipline). Cela tient d'abord aux critères qui définissent une «bonne thèse». Dans certaines disciplines, la thèse est encore une étude qui tend à l'exhaustivité et où la difficile définition du sujet est partie intégrante du travail. Ainsi, il ne serait pas raisonnable de vouloir donner un sujet de thèse dès la fin du DEA ! Voir par exemple les critères d'une bonne thèse et économie : http://www.eeassoc.org/reports.html. La définition de la thèse n'a pas évolué, malgré la mise en place des ED qui aurait pu susciter des réflexions sur ce sujet. Il faut dire que même chez certains doctorants, la thèse en 3 ans est synonyme de travail de technicien sous la coupe d'un directeur de thèse et non pas de travail de recherche avec prise d'autonomie. Des disciplines ont pourtant su mettre en place des pratiques compatibles à la fois avec une durée réduite et avec la production de connaissances nouvelles...
Des contraintes intrinsèques à la discipline peuvent aussi allonger la durée des thèses au-delà des trois ans. Les expérimentations en Sciences de la Vie sont citées, et, au-delà, le rôle essentiel de main d'oeuvre que jouent les doctorants dans ces domaines, ce qui amène au raisonnement suivant : si les thèses doivent se faire en 3 ans, il faut des post-docs, sinon on réduit les capacités de recherche des labos. Fabienne remarque que le problème ne se résume pas à des contraintes purement disciplinaires, car il faut bien constater qu'il y a des différences de pratiques au sein même d'une discipline alors que d'autres ont des contraintes similaires (physique expérimentale, sciences de la vie par ex.). Difficile là-encore de tenir un discours tranché rigoureux.
Le manque de financements ou le rôle de l'encadrement a aussi été mis en avant comme cause de durée trop longue des thèses. L'ED est le lieu où les directeurs de thèse pourraient partager leurs expériences (ex. de l'ED de l'École Centrale), ou recevoir eux aussi des formations. Chacun s'accorde à dire que la thèse ne concerne pas que le couple doctorant / encadrant : l'avis d'autres chercheurs et l'interaction avec les autres doctorants est indispensable, d'où l'intérêt du côté fédérateur de l'ED. Néanmoins, il ne faut pas oublier le rôle de formateur du directeur de thèse, qu'il a semblé qu'on essayait parfois de déresponsabiliser complètement : si le directeur ne guide pas le doctorant dans la construction de son sujet, et qu'il le laisse se débrouiller seul, renvoyé vers la structure ED (ses chercheurs, ses doctorants), quel est donc son rôle ??? Il faut éviter d'entériner la réalité du non-encadrement de nombreux doctorants sous prétexte de l'existence des ED.
Heureusement, la limitation du nombre de doctorants par directeur de thèse est acceptée et souhaitée par tout le monde. L'idée qu'un bon directeur de thèse puisse encadrer 50 doctorants fait frémir unanimement.
Enfin, certains évoquent aussi la possibilité de deux types de thèse : celles à vocation professionnelle tournées vers l'industrie et celles, plus longues, pour intégrer le secteur académique. Cela pose réellement la question de ce qu'est une thèse, de ce qu'est la formation doctorale en général et du difficile changement des mentalités qui serait souhaitable.
La distribution des allocations de recherche a été un thème récurrent des discussions, mettant en exergue les problèmes suivants :
On constate que malheureusement, le discours des ED reste centré sur les allocations, et du même coup les allocataires, à tel point qu'une des intervenantes croyait que les ED ne concernaient que ces derniers !. Les ED pourraient au contraire jouer un rôle de centralisation des informations sur les autres pratiques de financement qui ont cours en son sein.
On a aussi évoqué l'évaluation des ED, question dont tous les aspects sont non résolus.
Présents:
Ce compte-rendu a été rédigé par Nicolas Legrand.
Globalement, cet atelier est arrivé au constat de la plupart des ateliers : tous les problèmes sont déjà clairement identifiés depuis un certain nombre d'années.
J'ai commencé par donner un bon coup de massue en parlant des trois noeuds de difficultés identifiables pour cet atelier : reconnaissance du doctorant comme un membre à part entière du laboratoire, reconnaissance du doctorant au niveau institutionnel (CNESER), et les corollaires que sont l'encadrement défectueux et les difficultés sociales.
Les discussions ont ensuite été assez décousues, du fait de l'exposition de cas personnels des représentants SHS, très intéressants au demeurant. Ainsi, leur demande première ne concerne pas l'aspect de financement, mais d'un besoin de structure : un vrai labo où rencontrer les autres membres du labo, un véritable encadrement, une véritable reconnaissance du doctorant dans le laboratoire (et non pas uniquement les allocataires, «bons eleves» seuls dignes de figurer au Panthéon personnel du directeur de thèse). Il faut arrêter avec la demande de production du chef d'oeuvre ultime pour la thèse en SHS, ce qui sous-entend une évolution des pratiques, et une nécessaire rupture du lien de dépendance doctorant/directeur de thèse. Nous sommes à la limite de l'exploitation pure et simple, autant pour les plus précaires (dont les étrangers, qui en plus ont des problèmes critiques pour se loger, bien que cela puisse s'appliquer à tout le monde), que pour les allocataires (dépendance vis-à-vis du directeur de thèse, redevabilité).
Des outils: les Écoles Doctorales (mais leur fonctionnement est actuellement trop opaque), l'argument financier en jouant sur le portefeuille des directeurs de thèse (Prime d'Encadrement Doctoral et de Recherche supprimée si l'encadrement ne suit pas), application de la Charte des Thèses, limitation stricte du nombre de doctorants par directeur de thèse (ou par encadrant statutaire), limitation du cumul de mandats pour les directeurs de thèse.
L'évolution des pratiques a été soulignée pour sortir le doctorant de sa position qui peut être celle d'un technicien, dans les disciplines expérimentales (Rolland, Pierre). Il faut associer beaucoup plus le doctorant à l'évolution de son projet, il faut l'intéresser au montage des problématiques de recherche (Rolland).
La question de l'évaluation, du suivi et de l'aplication de la Charte des Thèses a forcément été mise sur le tapis. On peut signaler les expériences intéressantes à l'INRA : existence d'un comité de thèse, veritable comité de suivi dès le début de la thèse (Fremaut, Rolland). Des systèmes équivalents existent par exemple au Canada (la jeune docteur en SHS).
De plus, il faut en finir avec l'image de l'étudiant éternel: l'aspect formation est evidemment important, mais il est maintenant nécessaire de reconnaître la valeur du travail par de véritables contrat de travail (Pierre).
Il y a un besoin de structurer l'offre disponible pour les financements, afin de tout transformer en contrat avec salaire et cotisations sociales : cela peut être fait via une agence de mutualisation, à l'image de l'ANRT pour les conventions CIFRE. L'effet serait positif pour la visibilité du doctorant dans le labo, mais aussi pour les recruteurs, surtout au niveau des entreprises. La dimension d'expérience professionnelle serait évidente (Legrand).
À vérifier: selon A. Coste, la règle du CNRS impose que tous les doctorants soient financés. J'en doute, je suppose que cela concerne plutot les membres du labo, ce qui repose la question de la reconnaissance du doctorant comme membre à part entière du labo.
Mme Rolland souligne que la reconnaissance institutionnelle et sociale du doctorant passe aussi par l'Europe : la formation au sein du système de recherche est liée à une mobilité géographique et thématique.
Note 1 : l'emploi du «je» fait réfèrence à P. Degiovanni
Note 2: des points et précisions qui n'ont pas été abordés dans la réunion figurent dans ce compte-rendu, mais ils sont signalés.
L'idée consiste à avoir un système à plusieurs niveaux de recrutement. Dans les discussions, on a retenu:
Les niveaux de recrutement envisagés sont :
1) Niveau Junior : thèse + 0 à 3 maximum
Il correspond au niveau CR2 : jeune chercheur capable d'effectuer une recherche
de qualité dans un environnement structuré. À ce stade, on doit garantir un
bon environnement scientifique et les moyens de prendre progressivement des
responsabilités : crédits pour missions et invitations + aides
mobilité + accès moyens techniques + possibilités d'encadrement de stagiaires
mastaire et DEA, co-encadrement doctoral.
Offre :
* Des emplois stables type CR2 et MC2 avec un dispositif d'encouragement à la mobilité :
Remarques personnelles : attention à bien en limiter le nombre. À mon avis, il faut limiter autour de 1 500 grand maximum si on conserve un flux d'emplois stables Junior et Junior confirmé de l'ordre de 3 000 / an. Sinon on recréera un bourrelet interne. Pour être fixé, il faudrait connaitre le nombre d'ATER docteurs et faire une modélisation.
* Des emplois de «chercheur contractuel» de un ou deux ans avec recrutement externe aux établissements et une faible charge d'enseignement (équivalente au monitorat ou moins). Bref, un analogue des post-docs.
Remarques personnelles : à mon avis, ces emplois devraient être non pas proposés par les EPST mais soit aux établissements sous forme d'une dotation prévue dans le quadriennal, soit sur projets associés aux ACI.
Il faut évidemment assouplir toutes les conditions administratives de recrutement de manière à ouvrir ces emplois au recrutement pour des étrangers. Les seules bornes devraient être le positionnement (juste après la thèse) et la durée (un ou deux ans). À charge à l'établissement ou au bénéficiaire de l'ACI comprenant un tel contrat de faire le recrutement.
Niveau salaire, je pense que cela doit être du niveau d'un CR2/MC2, sinon ce ne sera pas compétitif par rapport aux contrats qui existent dans les autres pays.
Enfin, on pourrait imaginer, dans les EPST, développer les contrats d'expert technique qui correspondraient à des fonctions d'ingénieur de recherche. Ils n'auraient pas vocation à être des post-docs mais à permettre de partir dans des métiers techniques, dans l'entreprise ou dans les organismes (IR). Cf les postes d'accueil INRIA. En fait l'INRIA les ouvre au niveau mastaire pour justement éviter leur côté post-doc... fin des remarques
2) Niveau Junior confirmé : thèse + 3 à 8 environ
Correspondant au niveau CR1 ou MC-ex 1, il est destiné à des chercheurs ayant fait une
prise d'autonomie complète, capables de développer et de mener leur propre projet
de recherche. Cela doit être la période du premier encadrement doctoral assumé en
pleine responsabilité. Il correspond à l'« assistant professor » US, mais accessible plus
jeune.
Offre :
* des emplois stables type CR1 et MC1 :
Note personnelle : c'est là l'endroit naturel où placer une HDR rénovée en profondeur et basée vraiment sur une expérience d'encadrement doctoral.
Non discuté en réunion mais qui pourrait être intéressant :
* emplois chercheur contractuel d'un an non renouvelable afin de fournir une aide au retour des personnes qui seront parties en post-doc et qui voudraient revenir pour candidater CR-MC 1. Aussi pour permettre de faire venir de jeunes chercheurs étrangers pour voir notre système un an :
Remarque personnelle : là il convient de limiter encore plus sérieusement le nombre (sans doute moins de 300/an) pour éviter un bourrelet de gens assez âgés.
3) Niveau confirmé : thèse + 8 et au delà (on n'a pas donné de
limite supérieure).
Cela correspondrait au niveau DR2.
On n'a pas discuté plus avant les spécificités de l'offre à ce niveau-là. Ça serait pourtant intéressant pour compléter le tableau.
- durée des thèses en SHS qui ne permet pas de rentrer dans le cadre d'un recrutement avant 30 ans.
Réponse :
* encourager une amélioration forte de la qualité de l'encadrement des thèses pour gagner en durée dans la phase initiale (meilleure définition du sujet) et finale (rédaction plus rapide et efficace) ;
* encourager très fortement le passage à un système dans lequel les gens ne prennent pas de doctorants non financés en formation initiale car cela joue dans la durée des thèses ;
* création à partir d'une partie de l'argent des ATER qui seraient supprimés (voir plus bas), d'une «allocation doctorale complémentaire» d'un an avec salaire et mission d'une allocation+monitorat et destinée au financement d'une quatrième année de thèse.
Points importants pour cette allocation doctorale complémentaire :
- Les recrutement dans les EPST ne présentent pas de garanties de sérieux suffisantes : pas le temps matériel de sonder le potentiel du candidat en profondeur.
C'est sans doute un des facteurs qui explique la crainte des erreurs de recrutement au niveau thèse + 0-3 : on ne se donne pas les moyens d'évaluer le potentiel de l'individu et donc les post-docs que fait le jeune chercheur sont un moyen de se rassurer pour les recruteurs.
Donc si on pense rouvrir la voie Junior, il faut se donner les moyens de vraiment cuisiner les gens et sonder leur potentiel !
Propositions :
* introduire comme pour les université une sélection d'un petit nombre de dossiers qui donneront lieu à une audition en profondeur [on n'en a pas parlé mais je pense que plusieurs entretiens approfondis sont nécessaires, chacun centré sur des aspects spécifiques : l'activité scientifique passée, le programme de recherche moyen terme, l'affectation demandée et les moyens associés (c'est ici qu'on pourrait négocier les mobilités post-recrutement) et enfin l'activité pédagogique pour les enseignants chercheurs] ;
* prendre en charge les frais de déplacement des candidats que l'on convoque pour entretien ;
* encourager les universités à auditionner aussi peu de candidats et envisager là aussi le remboursement des frais ;
- le positionnement des concours des EPST dans l'année parait peu adapté : on pourrait recruter à l'automne.
Un point soulevé en aparte mais non discuté : cela aurait l'avantage de découpler temporellement les recrutements EPST des universités. Par contre, il faut voir comment cela s'articulerait avec le processus de décision des post-docs à l'étranger. En effet, rien n'étant jamais sûr, un docteur qui soutient à l'automne préparera des dossiers postdocs un an avant. Donc très souvent il aura accepté une offre ailleurs et ensuite, comment cela s'articulera-t-il avec ce concours automnal ?
- fixation des limites d'age : pas clarifié en atelier.
Idées :
* penser la limite des postes CR2/MC2 en terme d'années post-thèse : thèse + 0 à 3 pour placer pas mal de recrutements autour de these + 1.
Mais il faut éviter la dérive des thèses à rallonge.
* rajouter une limite «biologique», style 31 ans ?
* mise en place d'une limite à 35 ans pour le recrutement externe CR1/MC1.
- la reconstruction de carrière des enseignants chercheurs : prise en compte des années de post-doc. Il faudrait les aligner sur ce qui se pratique dans les EPST.
- problème de l'articulation Junior - Junior Confirmé (et de la titularisation) : il faut que ce soit l'occasion de faire un bilan sérieux.
Remarque personnelle : Pascal Tran qui était participant à l'atetelier suggérait en aparté de décloisonner entre recrutement externe et promotion pour l'accès au niveau junior confirmé. C'est sûr que cela mettrait une sacré pression mais est-ce que ce n'est pas un peu trop quand même ? Il y a un risque de concurrence entre externe / interne pouvant aboutir au développement massif de stratégies de post-docs à l'étranger pour faire bien sur le CV et entrer directement niveau Junior Confirmé.
Tout cela peut coûter cher :
- de manière instantanée, car il faudra augmenter les salaires des jeunes chercheurs (2000 euros mensuels nets pour un Junior) et surtout améliorer les reconstructions de carrière des jeunes enseignants chercheurs (prise en compte des années post-docs que ce soit avant le recrutement ou après).
- la mise en place d'une telle pyramide d'offres entraînera une accélération du glissement "viellissement technicité" (on recrute plus jeune ==> une carrière coûte plus vite plus cher dans la durée)
- l'allègement de services des MCF et des ATER coûtera cher.
Ordres de grandeurs:
* 5 x 2400 = 12 000 MCF de moins de 5 ans d'ancienneté
Deux années de décharge totale sur les 5 = 40 % de service en moins soit un équivalent de 4800 services MCF à trouver !!!!
* 2 000 ATER docteurs faisant 192 heures transformés en 2 000 post-docs à 1/3 de service ou moins = un équivalent de 1 400 services MCF à trouver.
Total = 6 200 charges de MCF à trouver !!!
Possibilités : 3 000 monitorats d'enseignement en plus = 1 000 équivalent MCF. On ne va pas aller loin avec ça.
==> il faudra remettre en question la charge des enseignants chercheurs titulaires qui ne font plus de recherche pour éventuellement leur demander de faire plus ! [Note : on n'a pas discuté qui et comment en cours de réunion mais il est clair que le noeud du problème est là].
Cela force aussi à penser une réforme des statuts d'enseignants non chercheurs à l'université et de leur évaluation ainsi que de leur progression. Peut être doit-on poser le problème du ratio des recrutements entre CR, MCF et ces postes d'enseignants non chercheurs ? À noter que cette question de l'adéquation entre les besoins de recherche et les affectations de postes d'enseignants chercheurs a été soulevée par une participante de SHS à la réunion.
Présents autour de la table (aux erreurs orthographiques près) :
Pour commencer, le texte d'accompagnement de la table ronde a été relu : tout le monde a convenu que la formulation de ce texte ne convenait pas
Un premier point a été mis en avant : la thèse est une première expérience professionnelle, tout en précisant que les doctorants n'en sont pas tous conscients. Ensuite, beaucoup de banalités, puis Paule Biaudet a «mis les pieds dans le plat» en demandant ce qu'on attendait de nous ? Pourquoi cet atelier ? Quel message, pour quel public ?
Après la présentation de statistiques par B. Monthubert, elle a précisé qu'elle fait face à un discours d'enseignants chercheurs qui l'accusent, elle et les autres, d'orienter les futurs doctorants et les doctorants vers le secteur privé à force de les décourager avec les chiffres sur les débouchés, et qu'elle aimerait qu'on remette les choses au clair pour ces enseignants chercheurs.
Bruno est intervenu pour recadrer et lancer le débat en cinq points :
Il a insisté sur la particularité du docteur qui a un parcours personnel formateur et unique à la différence de l'ingénieur qui sort du moule de l'école.
M. Joliot, rapporteur de la journée de vendredi, a précisé que le fait que les meilleurs docteurs aillent dans le privé est plutôt positif, il est rassurant de ne pas former que des chômeurs. Par contre, il a ensuite développé le fait que le meilleur pour le secteur public n'a pas forcément les mêmes compétences que celui pour le secteur privé et qu'il est difficile de former les doctorants aux deux.
Là, Claire est intervenue pour préciser qu'un directeur de labo doit être un bon manager (qu'on a corrigé en «bon meneur d'hommes»), qu'il y a des formations communes minimales de base, et que la démarche de «Bilans de compétences» est utile pour être recruté, même dans l'académique. Réaction positive dans la salle.
Ensuite, la discussion s'est orientée vers :
Bruno a précisé que, plus qu'apprendre au docteur à valoriser ses compétences, il faut apprendre au doctorant ce qu'est le métier d'apprenti chercheur, tout découle de ça.
L'ABG a appuyé cela en rappelant qu'ils sont intervenus à l'origine comme des pompiers pour mettre en présence l'offre et la demande mais que cela ne suffit pas, il faut ouvrir l'esprit des doctorants. Leur proposition du «chapitre de thèse» vise à ça. Il est important de savoir présenter ses différences, son parcours quelquefois atypique.
Claire est intervenue sur l'importance de définir un projet de thèse tout au début, de commencer à identifier les premiers partenaires potentiels et a précisé que l'on devait faire le lien entre le projet professionnel et les possibilités de financements des 25 % de doctorants non financés et des 50 autres % qui le sont de manières arbitraires. Et a parlé de l'aberration du monitorat en entreprise (unanimité de la salle), contrairement à l'intérêt de développer une expertise des doctorants dans les entreprises et collectivités locales, etc.
Puis le problème des passerelles entre le public et le privé a été abordé : quels encadrants pour former les doctorants ? ou la question du troisième cycle qui est encore plus clos que le premier et le deuxième, et des difficultés à mettre en place des formations transversales.
Bruno a ébauché des conclusions auxquelles il faudrait arriver à la table ronde de vendredi : le monde ouvert est un monde qui évolue, il faut apprendre la manière de fonctionner dans ce système, etc.
C. Bec a conclu l'atelier en précisant les points clefs qu'elle avait retenus :
Une question est prévue pour un intervenant de la table ronde concernant l'insertion des docteurs dans la haute fonction publique.
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) a été mis à jour le 10 juin 2007