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En exergue de cette revendication d'un
<< statut de salarié pour les doctorants >>,
nous attirons l'attention sur quatre points souvent soutenus
par les doctorants eux-mêmes et les organisations syndicales.
Bien évidemment, ces points sont défendus par les
différentes catégories de personnel de la Recherche
publique.
1er point :
Il est important que le doctorant
et le directeur de sa thèse nourrissent un dialogue naturel
dont les conditions devront être améliorées
: il revient à ces deux acteurs de définir les engagements
des accueillants de doctorants vis-à-vis de la thèse,
de son déroulement, de son suivi scientifique à
l'intérieur d'un projet et informer les doctorants
dès signature de leur contrat de travail quel est le fonctionnement
scientifique et administratif du service gestionnaire dont dépend
le laboratoire ou l'équipe.
2ème point :
Élaboration puis mise en place effective du statut de salarié ó qu'importe qu'on l'appelle de << chercheur en formation >> ou de << stagiaire de recherche >>ó, et ce dès l'obtention du DEA.
On supprimerait ainsi les conditions de travail illégales qui existent aujourd'hui dans les organismes publics de recherche et les Universités. Ces jeunes scientifiques, assurés de mener à bien leur recherche, deviendraient par là même des chercheurs confirmés pour l'Enseignement supérieur, la Recherche publique, mais aussi pour les entreprises du secteur privé. Ce statut impliquerait, bien entendu, l'assurance pour tous de l'obtention des garanties sociales personnelles et sur leur lieu de travail. À titre d'illustration pour évoquer le bien-fondé d'un tel statut de salarié pour les doctorants, nous pouvons évoquer celui qui existe à l'INRA : il s'agit du statut d'<< attaché scientifique contractuel >>, bien qu'il soit malheureusement mis à mal depuis 1993. Dans le cadre de ce statut, tout doctorant est un travailleur salarié qui signe un contrat de trois ans (prolongeable six mois) pour passer sa thèse.
À noter que des barèmes
existent pour tous les employeurs relevant du droit public (Universités,
CNRS, etc) qui précisent les catégories de
personnel en fonction du niveau acquis (bac+2, bac+3, bac+4, bac+5,
bac+7,
) et les indemnités de stage afférentes
pour tout stagiaire entrant.
3ème point :
Désormais, il nous paraît essentiel pour l'avenir de la Recherche publique et celui de l'Enseignement supérieur, de répondre aux besoins réels de recrutement, tout personnel confondu, par la création d'emplois statutaires de chercheurs et d'ingénieurs de recherche. Par ailleurs, il est inutile d'insister sur la prégnance d'une telle démarche pour satisfaire aux attentes des employeurs du secteur privé qui cherchent des salariés très qualifiés formés << par la recherche >>.
Ces emplois publics assureront le renforcement
et le renouvellement (départs à la retraite en nombre
au CNRS, par exemple, dans les toutes prochaines années)
des équipes encadrantes nécessaires pour garantir
la qualité de l'encadrement scientifique du nombre
croissant de doctorants attendu d'ici 2000-2002 (Cf.
les études prospectives et le rapport sur les études
doctorales, février 1994, du ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Recherche).
4ème point :
Il nous semble opportun de créer au niveau des organismes de recherche publique ou privée et des Universités les conditions d'information et d'intervention dans les choix de gestion de ces structures en instituant les doctorants dans un corps (au même titre, par exemple, que celui des ITA ou des Chercheurs au CNRS; le SNTRS-CGT propose l'éventualité du niveau IV du CNRS, qui correspond à celui d'un ingénieur d'études).
Cette représentativité
garantirait la reconnaissance de la place de ces jeunes scientifiques
dans le fonctionnement de ces organismes et leur permettrait de
s'y impliquer personnellement, sous la forme de représentants
élus. De plus, et il est important de le noter, ils pourraient
bénéficier du droit de se restaurer à l'endroit
où ils travaillent óce qui est rarement le casó,
et bénéficier aussi des OEuvres Sociales et d'Entraide
dont tout agent dispose (à l'instar du CAES du CNRS,
par exemple).
Nous présentons cette proposition, intitulée Pour un statut de salarié des doctorants, en six parties inséparables les unes des autres :
1°- introduction;
2°- préparation et réussite de la thèse;
3°- le statut de salarié des chercheurs en formation;
4°- l'embauche des docteurs dans les secteurs privé et public;
5°- recensement des situations des doctorants et emploi;
6°- information et intervention
dans la gestion de la
recherche.
1°- Introduction
1-1.
Aujourd'hui, dans la France de 1997, la Recherche scientifique
et l'Enseignement supérieur sont placés dans
une situation de pénurie des financements publics, avec
un pic de croissance depuis 1995. Les conditions de réalisation
des programmes scientifiques en cours et les enseignements dispensés
se dégradent.
1-2.
L'efficacité de l'économie française
se trouve affectée par l'insuffisance de créations
d'emplois, y compris sur les postes hautement qualifiés.
1-3.
Les doctorants en subissent le contre-coup, ainsi qu'une
pression soutenue sur divers plans (matériels, psychologiques,
etc).
1-4. Ils réalisent souvent leur recherche dans un environnement, humain ou matériel, très critique. Certains servent de main d'oeuvre à bon marché dans les laboratoires publics ou au sein d'associations caritatives. D'autres n'ont aucune solution viable à part le travail au noir ou les petits boulots, lorsqu'ils n'ont ni bourse ni allocation. L'économie du pays s'en trouvent affectée : les uns exécutent la tache d'un ITA statutaire, alors que les autres ne cotisent ni ne vivent décemment.
D'autres encore souffrent de l'indisponibilité de leur encadrement ou doivent se débrouiller tant bien que mal avec leurs collègues en fin de thèse.
Tous s'inquiètent de leur
carrière professionnelle, alors que les probabilités
de chômage ou d'une embauche sur un emploi à
durée déterminée augmentent.
1-5.
De nombreux doctorants s'unissent, aux côtés
des personnels de leurs laboratoires ou de leurs équipes,
revendiquent et agissent pour défendre la Recherche publique
et l'Enseignement supérieur.
2°- Préparation
et réussite de la thèse
2-1.
La préparation de la thèse est à la fois
une activité de formation et un travail d'élaboration
et de production de connaissances.
2-2.
L'accueil du doctorant par l'encadrement et les
personnels du laboratoire ou de l'équipe, doit lui
permettre d'entreprendre son travail avec l'enthousiasme
et la sérénité nécessaires.
2-3.
Les premiers contacts entre le doctorant et son directeur de thèse
doivent déterminer les objectifs du travail scientifique
et les conditions matérielles, sociales, administratives
et temporelles de son déroulement, en situant ce travail
dans le contexte de l'activité de l'équipe
de recherche et de la discipline scientifique. Le doctorant doit
également être informé des possibilités
de carrière qui se présenteront à l'issue
de sa thèse.
2-4.
Au sein du laboratoire, ou de l'équipe universitaire,
le doctorant doit disposer d'un espace de travail, éventuellement
d'une salle spécifique (dans les établissements
universitaires) et d'un accès direct aux outils
scientifiques et à la documentation.
2-5.
Le travail du doctorant doit être orienté sur le
sujet de recherche déterminé avec son directeur,
en coopération avec les autres personnels du laboratoire.
Pour autant, rappelons-le, son activité ne doit pas se
substituer à celle d'un ingénieur, technicien
ou administratif manquant. Les créations de postes doivent
répondre à ce besoin.
2-6.
Son encadrement doit être suffisamment disponible, ce qui
nécessite d'augmenter le nombre d'emplois
de chercheurs et d'enseignants-chercheurs pour permettre
à chacun de remplir ses missions.
2-7.
Lorsque la publication d'un résultat scientifique
s'appuie sur tout ou partie de la recherche d'un
doctorant, son nom doit y être référencé.
L'équipe et la direction de thèse doivent
agir pour que le doctorant rédige une ou des publications
dans une revue scientifique à comité de rédaction.
Les doctorants doivent pouvoir partir en mission scientifique
(colloques, stages, séminaires, etc).
3°- Le statut de salarié
des chercheurs en formation
3-1.
La rémunération par un salaire de chercheur en formation
doit devenir la règle, la condition normale de la préparation
de la thèse.
3-2.
Tout détenteur du DEA, et qui souhaite entamer une thèse,
doit obtenir un statut de salarié avec les droits afférents.
3-3.
Le doctorant doit se trouver placé dans les conditions
d'un contrat de travail salarié :
3-4.
ó fixant les objectifs, le laboratoire ou l'équipe
universitaire, l'université dont il dépend
et la durée;
3-5.
ó définissant la raison sociale de l'employeur,
son mandataire, l'encadrant de la thèse (même
si celui-ci parvient à la retraite), le montant de sa rémunération
ainsi que les conditions des cotisations de protection sociale
et de chômage qui doivent être obligatoires;
3-6.
ó assurant la délivrance de bulletins de salaire;
3-7.
ó garantissant la protection sociale des travailleurs salariés
(maladie, famille, retraite, veuvage, etc) et adaptant
la durée et la rémunération de la thèse
en fonction des événements survenus (maladie, accident,
changement de directeur, etc);
3-8.
ó octroyant les mêmes garanties de sécurité
et d'accès aux services sociaux que pour les autres
personnels du laboratoire ou de l'équipe universitaire.
Les accidents du travail doivent être couverts.
3-9.
Les durées du contrat doivent être suffisantes pour
garantir la rémunération tout au long de la thèse.
Dans le cas de dépassement de la durée normale dans
la discipline, un système d'évaluation et
de prorogation du contrat doit être établi afin de
favoriser la réussite rapide de la thèse.
4°-
La Recherche publique, l'Enseignement supérieur
et les entreprises privées doivent embaucher de jeunes
docteurs pour assurer le développement et la qualité
de leur activité.
4-1.
Dans le secteur public, la diminution du taux d'encadrement
et le besoin de renouvellement des personnels approchant la retraite
nécessitent la création de postes statutaires de
chercheurs, ingénieurs de recherche et d'enseignants-chercheurs.
Ce besoin résoudrait les problèmes de chômage
et de précarisation galopante des jeunes scientifiques,
tout en développant la Recherche française.
4-2.
Les ATER déjà docteurs doivent pouvoir être
titularisés.
4-3.
Les entreprises privées ont la responsabilité de
développer des emplois scientifiques pour assurer leurs
capacités de recherche-développement.
4-4.
Les aides publiques en faveur des emplois pour la jeunesse doivent
être mobilisées pour garantir l'embauche affective
et définitive des jeunes scientifiques.
4-5.
Les statuts de chercheurs et d'enseignants-chercheurs,
les conventions collectives des salariés doivent reconnaître
le titre de docteur comme niveau d'embauche définitive
avec la classification et le minimum salarial correspondant.
4-6.
À l'issue du contrat de salarié des jeunes
scientifiques, la garantie d'indemnisation du chômage
doit être généralisée. Tout docteur
à la recherche d'un emploi doit pouvoir accéder
aux services de l'ANPE et de l'APEC.
4-7.
Si un doctorant interrompt sa thèse, ou ne souhaite plus
la soutenir, il doit conserver le bénéfice des droits
sociaux acquis et cotisations (vieillesse, retraite, etc). Il
aura déjà cotiser, et cela serait un progrès
considérable.
5°- Recensement des situations
et emplois des doctorants
5-1.
Les débouchés de carrière après la
thèse sont variés. Nombreux sont les jeunes docteurs
qui vivent une période de précarité. Cela
affaiblit la pleine possession d'un savoir qui pourrait
être immédiatement mis à contribution dans
la Recherche ou dans la production industrielle.
5-2.
Une connaissance parfaite de cette réalité pourra
éclairer les jeunes sur leurs possibilités de carrière
et inspirer les choix de politiques scientifiques et économiques.
5-3.
Afin de programmer leurs emplois, les entreprises et les EPST
doivent connaître précisément les flux de
docteurs selon les spécialités. Leurs besoins d'emplois
hautement qualifiés doivent être évalués.
La répartition actuelle des bourses, des allocataires et
salaires plus tard, et leurs débouchés respectifs
doivent être connus.
6°- Information et intervention
dans la gestion de la Recherche
6-1.
Les doctorants contribuent pleinement à l'activité
scientifique des organismes scientifiques et des universités.
Ils doivent avoir accès aux informations concernant la
gestion scientifique et administrative de leur laboratoire ou
équipe. Ils doivent participer aux assemblées générales
au même titre que les autres personnels du laboratoire et
pouvoir être élus au conseil de laboratoire.
6-2.
En tenant compte de leur isolement statutaire, les Universités,
les organismes de recherche et les entreprises ont la responsabilité
d'informer régulièrement les doctorants des
évolutions administratives, sociales et scientifiques qui
les concernent.
6-3.
La représentation des doctorants dans les instances d'administration
des Universités et des organismes de recherche publique
ou dans les comités d'entreprise doivent être
garantie.
Conclusion
:
Toutes ces propositions concernent tous les jeunes scientifiques, les chercheurs en formation que sont les doctorants et les post-docs, et les jeunes docteurs. Leur mise en oeuvre conditionne la capacité de notre pays à développer son économie et sa cohésion sociale, à enrichir son patrimoine culturel et à contribuer à notre rayonnement par delà les frontières; de même, leur mise en oeuvre conditionne notre contribution à la coopération et au développement du plus grand nombre de pays en Europe et dans le monde.
Enfin, nul ne peut savoir ce qu'il adviendrait de l'histoire d'un pays qui ne consentirait pas un effort notoire en faveur de sa jeunesse ! D'autant plus que celle-ci consent elle aussi à supporter des sacrifices en années et en labeur à travailler une thèse, avec le coeur serré d'un avenir professionnel pour le moins embrumé.
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Ce document (/archives/ministere/sntrs-statut.html
) a été mis à jour le 10 juin 2007