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Par << jeunes scientifiques >>,
nous entendons tout doctorant et tout jeune docteur pas encore
recruté dans le secteur privé, l'Enseignement
supérieur ou la Recherche publique. Parmi les jeunes scientifiques,
il y a donc les chercheurs en formation que sont les
doctorants et les post-docs en attente de recrutement, et les
docteurs qui se trouvent sur le marché de l'emploi.
Il est bien entendu que les doctorants
ne sont pas de simples étudiants. Dès l'obtention
du DEA, ils doivent des salariés en formation.
I/ La situation.
Pour commencer, il nous incombe de brosser
un tableau illustré et rapide de la situation que connaissent
les jeunes scientifiques, depuis les gouvernements successifs
de Balladur puis Juppé.
Trop de doctorants mènent
leurs recherches sans aucun financement,
et les jeunes docteurs qualifiés attendent un emploi scientifique
mérité après des années de sacrifices
consentis à étudier, puis à mener leur thèse.
En 1994, 10% des docteurs ayant soutenu
leur thèse en 1993 étaient au chômage et 40%
seulement se contentaient d'un emploi ou d'une situation
précaire (post-doc, ATER). La situation des docteurs ayant
bénéficié d'un financement spécifique
(allocations, bourses CIFRE, etc) n'était pas meilleure.
À titre de comparaison, le taux de chômage un an
après l'obtention du doctorat était encore
de 1 à 2% en 1990-1991. Enfin, parmi les moniteurs en 1994,
seuls 2,4% ont été recrutés comme Maîtres
de conférences en 1995.
À cette situation désastreuse pour un pays comme le nôtre, il y a deux explications majeures :
1°- D'abord en amont,
nous constatons une insuffisance flagrante du financement public
des thèses. La durée des allocations ne correspond
pas à la durée réelle des thèses,
particulièrement en Sciences Humaines et Sociales (par
exemple chacun sait qu'une thèse de psychologie
se fait la plupart du temps en cinq années avec les stages
cliniques);
2°- et surtout en aval,
la chute des recrutements dans le secteur privé à
partir de 1992 et le coup d'arrêt donné
à la politique de créations d'emplois dans
le secteur public (Organismes publics de Recherche et Universités).
De 1991 à 1993, 1.800 emplois
de Maîtres de conférences en moyenne avaient été
créés chaque année, contre seulement 900
en 1994 et 765 en 1995, ce qui contribue à affaiblir le
taux d'encadrement du nombre croissant d'étudiants
en 1er et 2nd cycle universitaire. Plus de 5 millions d'heures
complémentaires, dans le Supérieur, sans même
parler des heures supplémentaires des ITA et chercheurs
dans les EPST, se substituent à des milliers d'emplois
permanents. Il y a environ 20.000 docteurs hautement qualifiés
qui attendent un recrutement. Or, nous savons qu'à
partir des années 2002-2003, des départs massifs
en retraite nécessiteront la création chaque année
de plusieurs milliers d'emplois statutaires dans l'Enseignement
supérieur et la Recherche (le SNTRS-CGT estime à
2.561 le nombre de postes ITA et Chercheurs à créer
au CNRS).
II/ Quatre mesures d'urgence
pour la prochaine rentrée.
1ère mesure
: l'emploi
Il faut prendre des mesures immédiates
pour assurer la prochaine rentrée universitaire et mettre
en oeuvre une programmation pluriannuelle correspondant aux besoins
de créations d'emplois statutaires dans l'Enseignement
supérieur et dans les Organismes publics de Recherche.
Les taux d'encadrement dans les Universités depuis 1985 se sont dégradés, au détriment de la qualité des enseignements. Cela s'explique par deux facteurs tangibles :
ó la croissance du nombre d'étudiants : selon la Direction de l'Évaluation et de la Prospective, la hausse devrait être de 100% entre 1982 et 2003;
ó l'arrêt, depuis 1993, des efforts commencés sous le ministère de Lionel Jospin en matière de créations d'emplois d'enseignants-chercheurs, de chercheurs et de personnels administratifs. Selon le rapport Charon-Tricoire (Institut de Physique nucléaire d'Orsay, 1995), les dépenses publiques par étudiant sont en France parmi les plus basses des pays de l'OCDE.
Il faut, dès la prochaine
rentrée universitaire, créer des emplois supplémentaires
d'enseignants-chercheurs sur lesquels seront recrutés
de jeunes docteurs.
Ensuite, pour tendre au taux d'encadrement
de 1985, il faudrait une création nette de près
de 2.000 nouveaux emplois d'enseignants-chercheurs (ATER
et Maîtres de Conférences) par an et autant d'emplois
d'IATOS jusqu'en 2003 (selon la simulation mentionnée
plus haut de la DEP). Mais cela ne ferait qu'atténuer
la situation dégradée laissée par la droite.
Pour parvenir à une réelle
amélioration, nous estimons qu'il serait souhaitable
de doubler a minima ce chiffre.
Dans les Organismes publics de Recherche,
des emplois statutaires nouveaux sont également nécessaires
en grand nombre, tant au regard des besoins des laboratoires que
du renouvellement rendu nécessaire par la pyramide des
âges élevée. En ce qui concerne les EPST,
les besoins d'emplois statutaires à créer
correspondent chaque année à 4% de l'effectif
global (ITA et Chercheurs).
2ème mesure
: statut de salarié des doctorants
Il faut pourvoir accorder à la
prochaine rentrée universitaire un financement à
ceux qui viennent d'obtenir leur DEA et qui poursuivent
un cycle doctoral, et surtout trouver un moyen de financer
les doctorants déjà avancés dans leurs thèses
sans avoir pu bénéficier d'une allocation
ou d'une bourse. Par ailleurs, il faut envisager une prolongation
des contrats d'allocataire si cela est nécessaire.
Des déclarations de l'actuel ministère, retranscrites par voie de presse, énoncent le chiffre de 10.000 doctorants en situation de précarité. Nous demandons qu'un recensement université par université soit effectué afin de connaître la situation des doctorants. Ce recensement, une fois établi, pourra souligner la réalité des situations vécues par les doctorants et permettre de répondre aux besoins immédiats d'allocations, bourses et postes ATER en attendant l'élaboration du statut de salarié des doctorants (voir le document Pour un statut de salarié des doctorants).
Ensuite, il paraît opportun de
demander que la durée du financement public des thèses
corresponde à la durée réelle de ces thèses.
Dans un avenir proche, il faudra permettre
à tous les doctorants d'obtenir un statut de salarié
qui permette de mener à bien une thèse et de vivre
décemment tout en bénéficiant d'une
couverture sociale durant la période de thèse.
Enfin, il faut veiller à ce qu'existe
aucune discrimination entre les doctorants, selon qu'ils
soient ou non agrégés, certifiés, normaliens
ou polytechniciens, et aucune disparité entre les disciplines
de chacun (philosophie ou chimie, histoire ou géologie,
sociologie ou recherche médicale, agronomie, etc).
3ème mesure
: la période post-doctorale
Elle doit s'adresser aux jeunes
scientifiques visant à un recrutement dans les Universités
et les EPST. C'est durant cette période que doit
avoir lieu le recrutement qui, conformément du statut des
chercheurs (CR2) et des ingénieurs de recherche (IR), doit
s'opérer au niveau de la thèse. Nous proposons
que le post-doc soit vu comme une période de préparation
au concours de recrutement, et limitée à deux ou
trois ans.
Il faut diminuer la période d'attente
entre la fin de la thèse et le recrutement dans l'Enseignement
supérieur ou dans la Recherche publique pour les docteurs
qui y aspirent.
Dans l'immédiat, et pour
pallier aux problèmes de chômage, il faut permettre
la prolongation des contrats d'ATER pour une année
supplémentaire, sans limiter cette possibilité de
renouvellement à une seule fois de manière arbitraire
comme c'est le cas aujourd'hui.
Les post-docs sont des travailleurs
à part entière. Ils doivent obtenir un contrat de
salarié reconnaissant la progression de leurs qualifications.
Ces mesures doivent rester provisoires.
En effet, si elles venaient à se pérenniser, elles
conduiraient à une précarisation extensive de l'emploi
dans l'Enseignement supérieur comme dans la Recherche
publique. Pour garder tout leur sens, elles doivent être
appliquées simultanément à la programmation
pluriannuelle des créations nettes d'emplois statutaires
dont nous avons montré l'urgence et la nécessité.
D'autre part, il faut encourager
le recrutement des docteurs dans le secteur privé,
qui demeurait jusqu'à ces dernières années
l'un des débouchés naturels des jeunes docteurs.
À telle enseigne, il n'est plus acceptable que le
doctorat ne soit pas reconnu dans les conventions collectives.
Les moyens d'une politique incitative sont à
déterminer entre les différents partenaires : ministères,
syndicats, associations. Le SNTRS-CGT pense que, toute entreprise
bénéficiant du travail de recherche effectué
dans les laboratoires par des doctorants, doit s'engager
à créer les conditions d'un recrutement de
jeunes scientifiques.
Dans le même ordre d'idée,
il est nécessaire de réaffirmer que le principe
de << la formation par la recherche >> que
suivent les doctorants, doit être reconnu dans le secteur
privé de l'industrie comme du tertiaire.
4ème mesure
:
La formation doctorale doit être
valorisée dans les mois prochains.
Ainsi, il paraît nécessaire de :
(1) recenser les situations financières des doctorants,
(2) renforcer les moyens de l'observation statistique de l'emploi qualifié et de l'insertion professionnelle de ces mêmes doctorants.
Enfin, et pour conclure ces mesures
urgentes, il est impératif d'élaborer le
statut de salarié des doctorants, véritable
statut de chercheur en formation pour tous, à
partir de l'obtention de tout DEA sur tout le territoire
national.
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Ce document (/archives/ministere/sntrs-mesures.html
) a été mis à jour le 10 juin 2007