Le rapport
d'information n°1998 de la commission des affaires
culturelles, familiales et sociales sur la recherche
publique et privée en France face au défi international, a
été réalisé par le député Jean-Pierre Door et publié le 21
décembre 2004 par l'Assemblée Nationale.
La
Confédération des Jeunes Chercheurs a été auditionnée pour la
préparation de ce rapport le 13 juillet 2004. Un
compte-rendu de cette audition a été publié sur le site de
la CJC.
La CJC
est citée à cinq reprises dans le rapport, dans la première
partie (« État des lieux de la recherche en France »). Dans
certains passages, les propos retenus par les rapporteurs sont
quelque peu déformés ou interprétés. Les commentaires
ci-dessous qui suivent les citations extraites du rapport ont
pour but de recadrer ces interprétations, afin de rappeler les
positions exactes de la CJC.
Section I-A.2 : Des témoignages alarmants :
« En la matière, le témoignage vécu des acteurs de terrain est d'autant plus important que certains indicateurs, tel que le nombre des doctorants et des docteurs séjournant à l'étranger, ne sont pas ou plus disponibles depuis que, comme l'a rapporté aux membres de la mission, M. Sylvain Collonge, président de la Confédération des jeunes chercheurs (CJC), le rapport sur les études doctorales a cessé, pour des raisons administratives, de paraître. »
Section II. Défi n°6 - 1 : La précarisation de la situation des doctorants
« Ainsi que l'ont affirmé à la mission MM. Sylvain Collonge et Florent Olivier, responsables de la Confédération des jeunes chercheurs (CJC), l'augmentation quasi incontrôlée du nombre des doctorants a eu pour conséquence la précarisation de leur situation.
De sorte qu'aujourd'hui, seuls 40 % des doctorants sont rémunérés - c'est-à-dire qu'ils sont détenteurs d'une allocation de recherche publique ou privée ou d'une convention industrielle de formation par la recherche (CIFRE). A contrario , 10 % d'entre eux ne bénéficient d'aucun financement et sont donc contraints, pour subsister, de travailler « au noir » ou de recourir au système des « libéralités 18» qui ne leur garantit pas de couverture sociale.
Grâce aux engagements pris par le gouvernement dans la loi de finances pour 2005 votée par l'Assemblée nationale - création de 4 000 allocations de recherche et de 40 conventions CIFRE supplémentaires et mobilisation de 2 millions d'euros destinés à la lutte contre les libéralités - il devrait rapidement être mis fin à de telles pratiques.
Pour autant, ces réformes n'épuisent pas la question. Faute d'avoir été revalorisée, l'allocation de recherche est d'un montant trop faible pour permettre aux doctorants de vivre correctement. Conçue à l'origine pour être une aide attractive, son montant avait été fixé, à sa création, en 1976, à une fois et demie le montant du SMIC. Faute d'avoir été indexée sur le coût de la vie, sa valeur s'est érodée au fil des ans, d'autant plus que devant le nombre de plus en plus important de doctorants, il a été fait le choix d'étendre le versement à un plus grand nombre de personnes au détriment du montant nominal de l'allocation. Les revalorisations récentes - à raison de 5 % par an depuis 2001 - n'ont pas permis de rattraper le retard accumulé et il y a aujourd'hui une déconnexion entre le montant de l'allocation et le montant du SMIC qui, il est vrai, vient d'être fortement revalorisé.
Enfin, les problèmes financiers ne sont pas les seules difficultés que rencontrent les jeunes doctorants. Le très fort taux d'abandon de thèses évoqué plus haut - outre qu'il renvoie à la question de l'absence de sélection à l'entrée de l'université - oblige à se poser la question de l'encadrement de la recherche. M. Sylvain Collonge estime que les directeurs de recherche sont habilités à diriger trop de thèses de sorte que certains étudiants se retrouvent dépourvus de tout soutien au cours de leurs travaux. Il préconise donc que les universités soient encouragées à valoriser les écoles doctorales en leur offrant les moyens de renforcer leur potentiel humain et financier. »
Commentaire de la CJC sur les libéralités Si le gouvernement a effectivement commencé à mettre en place un dispositif de résorption des libéralités, nous sommes loin d'une suppression de ces financements tant pour les doctorants (les seules libéralités prises en comptes sont celles de quelques associations caritatives, et le nombre total de personnes concernées a été sous-estimé) que pour les docteurs (qui sont totalement exclus du système de financement des cotisations sociales mis en place).
Commentaire de la CJC sur le dernier paragraphe : S'il faut renforcer les écoles doctorales en leur donnant les moyens de fonctionner, c'est afin qu'elles puissent assurer pleinement leurs missions, en particulier celle de veiller au respect de la Charte des thèses (dans laquelle se trouve notamment des recommandation sur l'encadrement).
Section II. Défi n°6 - 2- La difficile entrée dans la carrière
« Dans ce contexte, la solution qui apparaît la plus simple est bien sûr l'augmentation du nombre de postes offerts dans la recherche académique. Compte tenu du statut des chercheurs, il s'agit là d'un engagement lourd qui engage le pays pour les décennies à venir. De ce point de vue, la question rejoint la problématique plus large de la situation générale des personnels qui sera détaillée plus loin (cf. défi n° 7).
En
réalité, et les représentants de la CJC sont les premiers à le
reconnaître, la solution devrait venir d'une augmentation des
débouchés hors du secteur public. Or force est de constater
qu'en France s'additionne à l'insuffisance de l'effort privé de
recherche, qui provoque mécaniquement une diminution des
emplois de la recherche, un double malentendu d'ordre culturel
entre les chercheurs et l'entreprise. »
Commentaire de la
CJC : Les rapporteurs ont ici tronqué la position de la
CJC. S'il est nécessaire de travailler, dans toutes les
disciplines, au développement de débouchés hors de la recherche
et de l'enseignement supérieur publics - donc dans les
entreprises, les administrations, les collectivités
territoriales, etc. - il faut également redonner des
perspectives d'emplois dans le secteur académique. La CJC a
notamment rappelé lors de son audition le besoin d'un plan
pluriannuel de l'emploi scientifique.
« [...]
De manière provocante, il pourrait être envisagé, afin de
permettre une insertion plus facile des docteurs dans la vie
professionnelle, d'instaurer une forme de numerus
clausus limitant le nombre de doctorants par directeur de
recherche ou le nombre de doctorats délivrés par an pour
chacune des disciplines universitaires. Au moment où la
recherche s'intensifie partout dans le monde, la mise en œuvre
d'une telle politique malthusienne n'est à l'évidence pas une
solution viable. En revanche, la solution, présente en
filigrane derrière les propos de M. Sylvain Collonge,
consistant à renforcer l'accompagnement des étudiants désirant
faire une thèse afin de mieux juger leur motivation, de les
orienter vers des sujets porteurs et de les dissuader, le cas
échéant, de se lancer dans un doctorat qui risquerait de ne pas
déboucher sur un emploi, est à envisager. L'exemple des
conventions CIFRE montre que des recherches menées en
partenariat avec un entrepreneur et qui sont donc en adéquation
avec l'offre de travail débouchent sur des emplois. De
tels dispositifs sont à encourager, tout en veillant à ce que
soit préservée la liberté de la recherche et du chercheur.
»
Commentaire de la CJC : La formulation
adoptée par le rapporteur (« en filigrane derrière les propos
de M. Sylvain Collonge ») révèle assez le degré
d'interprétation des propos de la CJC... La CJC ne considère
pas qu'il faille « orienter » les doctorants « vers des sujets
porteurs » et ne se reconnaît pas dans la « solution » exposée
dans ce pragraphe.
En
revanche, la CJC considère qu'un projet de recherche doctorale,
quel qu'il soit, doit être correctement défini dès le départ
par le laboratoire qui le propose. Cela signifie d'une part
qu'il doit être pleinement intégré dans la politique
scientifique du laboratoire afin que le doctorant puisse
trouver en son sein l'appui scientifique nécessaire à
l'avancement correct de ses travaux. D'autre part cela signifie
que les moyens (financiers, matériels
et humains) nécessaires au projet
soient définis et rassemblées par le laboratoire avant le début
du doctorat. Ces moyens doivent comprendre le financement du
doctorant. Par ailleurs, il faut veiller à ce que tout
doctorant soit en mesure de définir et de préciser tout au long
du doctorat son projet professionnel et personnel. De cette
manière, il sera possible de diminuer le taux d'abandon en
cours de doctorat, de maîtriser sa durée et d'améliorer
sensiblement son déroulement en assurant un environnement
profressionnel propice à un travail de qualité, travail qui
sera ensuite plus facilement valorisable après le doctorat, que
ce soit dans le secteur public ou privé.
Section II- Défi n°9 - 3- Une articulation public/privé à renforcer
« [...] Pour inciter au développement de la recherche en entreprises, la France a quant à elle mis l'accent sur les aides fiscales de type crédit d'impôt recherche.
Dans l'ensemble, ce
dispositif est plutôt considéré comme un bon outil d'incitation
en direction des entreprises et ce même si certains
souhaiteraient voir modifier les conditions nécessaires pour y
prétendre, soit, comme le réclame M. Sylvain Collonge pour
la CJC afin de favoriser l'emploi des jeunes chercheurs, en
subordonnant l'accès au dispositif à l'embauche de docteurs,
soit, comme le préconise M. Jean-François Dehcq pour
favoriser la recherche dans les grands groupes de l'industrie
pharmaceutique, en augmentant son plafond et en prenant en
compte les recherches menées hors de l'hexagone dans la mesure
où les impôts qu'elles génèrent reviennent à la France.
»